La Protestantisation du concile Vatican II

Conférence de M. l’abbé Franz SCHMIDBERGER au Symposium de théologie à Paris, octobre 2005. Cet exposé est divisé en 4 parties :

  1. Résumé de la position protestante
  2. Présence des protestants au Concile Vatican II
  3. Influence protestante dans l’esprit et les documents du Concile
  4. Bref regard sur le temps après le Concile et conclusion.

RÉSUMÉ DE LA POSITION PROTESTANTE

  1. Le point de départ du protestantisme, sa base philosophique et théologique est sans aucun doute la conception de Luther du péché et de la justification.

    Pour lui, le péché a corrompu totalement la nature humaine, il n’en reste même pas de liberté morale. Ainsi, la grâce de Dieu ne trouve aucune matière à guérir, à transformer, à diviniser, elle ne peut être qu’une déclaration extérieure : Dieu couvre le pécheur du manteau des mérites de son Fils, ne lui impute plus le péché, mais le pécheur reste avec sa nature corrompue.

     
  2. D’une telle vision de l’état de la nature déchue découlent les quatre soli de Luther :

     
  • Sola fide : c’est par la foi seule que l’homme est sauvé ; notez que chez les réformateurs, la foi est conçue comme foi confiante dans les mérites du Christ Rédempteur, non point comme pleine acceptation de la Révélation de Dieu sous l’impulsion de la grâce. Les bonnes œuvres — le jeûne, la prière, l’aumône, la pénitence, la mortification — ne contribuent en rien au salut, elles sont tout au plus des signes de la foi. Luther exprime ainsi sa pensée d’une façon catégorique : « Pèche fortement et crois plus ferme encore, tu seras sauvé ».
  • Sola gratia : l’homme, avec sa nature sans liberté morale, est radicalement incapable de contribuer à son salut ; Dieu fait tout seul, l’homme reste passif.
  • Solus Deus : c’est donc Dieu seul qui opère notre salut ; il n’y a ni médiation par l’Église ni par un magistère ou un sacerdoce et non plus intercession des saints, par exemple de la Très Sainte Vierge. Si l’homme ne peut rien faire pour son propre salut, comment pourrait-il œuvrer pour le salut du prochain ?
  • Sola scriptura : Puisqu’un magistère qui expose la Révélation de Dieu est impossible, il ne peut y avoir de Tradition comme source de la Révélation ; et puisque Dieu fait tout, il illumine directement l’esprit des croyants pour qu’ils puissent comprendre la Sainte Écriture qui contient toute la Révélation.
  1. De ces quatre soli découle tout le système protestant :
  • La structure de l’Église. Elle ne peut être un corps vivant donnant le salut aux âmes, elle ne peut être qu’un service de charité dont la hiérarchie doit faire place à une démocratisation : nous sommes tous le peuple de Dieu, le sacerdoce ministériel est absorbé dans le sacerdoce général de tous les fidèles.
  • La foi et son contenu ; des axiomes philosophiques. L’Église et les saints, en particulier la Très Sainte Vierge Marie, doivent faire place à un faux christocentrisme.

    Puisque d’une part chaque fidèle peut lire la sainte Écriture et la comprendre sous l’inspiration du Saint Esprit et que d’autre part on trouve une multitude de confessions différentes, l’Église, en tant qu’elle conduit seule au salut, doit être remplacée par la multitude des confessions et des formes de foi, le magistère doit être remplacé par le travail des théologiens, particulièrement par l’exégèse libérale et sa “Formengeschichte”.



    Une tradition qu’on ne trouve pas explicitement dans la sainte Écriture ne peut pas exister.



    La loi de la foi doit être remplacée par le libre examen ; il faut en particulier abandonner l’idée d’un état catholique puisqu’il contredit le libre arbitre ; donc exigence de la liberté religieuse.



    L’ordre objectif fait place au subjectivisme et à l’individualisme, le bien commun à la réalisation de la personne, c’est-à-dire au personnalisme.



    L’Église doit abandonner tout pouvoir temporel et domination ; elle doit particulièrement abandonner l’État catholique comme un fait, puisqu’il s’oppose à la propagation du protestantisme.



    La liaison harmonieuse entre la nature et la grâce ne peut pas être maintenue. Il y a dans le protestantisme une oscillation entre le fidéisme (Karl Barth) et le rationalisme (Bultmann) et le naturalisme avec la laïcisation de la société.



    Il faut abandonner la romanité exprimée dans la langue latine, le Pontife Romain et sa Curie et s’orienter vers des Églises nationales.



    De la même façon doit être rejetée la scolastique, système sclérosé en opposition à l’Évangile vivant.

     
  • Le culte : accentuation de la parole et de l’Eucharistie en tant que repas, abandon de l’idée d’un sacrifice expiatoire : la liturgie n’est pas un culte mais plutôt une instruction, elle est l’affaire de toute la communauté.



    De plus, il faut retourner à des formes de culte plus simples et abandonner le triomphalisme.

PRÉSENCE DES PROTESTANTS AU CONCILE VATICAN II

Il appartenait au Secrétariat pour l’Unité des chrétiens sous le cardinal Bea de préparer l’invitation au Concile adressée aux « Eglises » non catholiques, communautés ecclésiales, observateurs et délégués, et de lancer cette invitation au nom du pape (1 ). Se trouvaient à la première session du Concile les représentants suivants du protestantisme :

  • Communauté anglicane : 3 représentants ;
  • Alliance mondiale luthérienne : 2 représentants ;
  • Alliance mondiale de l’Église réformée, Église presbytérienne : 3 représentants ;
  • Église Évangélique d’Allemagne : 1 représentant ;
  • Convention mondiale des Églises du Christ : 1 représentant ;
  • Friend’s World Committee for Consultation (Quakers) : 1 représentant ;
  • International Congregation Council : 2 représentants ;
  • Conseil mondial méthodiste : 3 représentants ;
  • Conseil œcuménique des Églises de Genève : 1 représentant ;
  • Association Internationale pour un christianisme libéral et la Liberté religieuse : 2 représentants.

De plus, y participaient d’autres invités du Secrétariat pour l’Unité : Roger Schutz, prieur de la communauté protestante de Taizé et son confrère Max Thurian, le Pr. Cullmann de l’université de Bâle et de Paris, le Pr. Berghauer, de l’université protestante d’Amsterdam. Soit au total 23 représentants.

Dans la lettre d’invitation sont définis leur statut et leur rôle de la façon suivante :

  • « Les observateurs fournissent aux Églises séparées de Rome des informations sur le Concile.
  • Ils peuvent participer aux séances publiques et aux séances générales closes dans lesquelles les décrets du Concile sont discutés ; ils ne participent pas aux séances des Commissions sauf dans des cas particuliers et avec une permission spéciale.
  • Ils n’ont ni droit de parole ni droit de vote.
  • Le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens sert d’intermédiaire entre les organismes du Concile et les observateurs pour leur transmettre les renseignements nécessaires afin qu’ils puissent plus facilement et plus efficacement suivre les travaux du Concile. Il organise de plus des entretiens avec des personnes qualifiées, par exemple des Pères du Concile sur les thèmes discutés au Concile.

Nous avons donc maintenant la présence directe des protestants. Ils étaient déjà présents au Concile de manière indirecte par des Pères et des théologiens qu’ils savaient acquis depuis longtemps à leurs idées et qui les représentaient plus ou moins ouvertement : les cardinaux Bea, König, Frings, Döpfner, Liénart, Alfrink ; des experts comme Rahner, Hans Küng, Edouard Schillebeeckx, Congar.

Quelques extraits des œuvres du Père Congar nous servent de preuve 2 :

« Au Saulchoir, on s’intéressait à Luther, et d’une tout autre façon que Denifle ou Grisar. Au cours d’un second séjour en Allemagne, je visitai les grands lieux luthériens qui m’attiraient ». Il voue une grande admiration au réformateur : « Luther est un des plus grands génies religieux de toute l’histoire. Je le mets à cet égard sur le même plan que saint Augustin, saint Thomas d’Aquin ou Pascal. D’une certaine manière, il est encore plus grand. Il a repensé tout le christianisme. Luther fut un homme d’Église. » D’où vient cette admiration pour un homme dont le seul génie fut destructeur ? De ce que Luther « était incapable de recevoir quelque chose qui ne vienne pas de sa propre expérience. » […]

Citons encore le cardinal Ratzinger, grand admirateur de Karl Barth. En 1986, dans une lettre à la Theologische Quartalsschrift, Tübingen, il écrit ceci :

« […] Ne doit-on pas considérer à maints égards comme un bien pour l’Église catholique, en Allemagne et ailleurs, le fait qu’ait existé à ses côtés le protestantisme, avec sa libéralité et sa piété, avec ses déchirements et sa grande exigence spirituelle ? 3 »

Quelques années plus tard, il concélébrera à Hambourg les Vêpres avec Mme Jespen, évêque protestante !

L’INFLUENCE DES PROTESTANTS SUR LE CONCILE

Avec une telle présence des protestants au Concile — présence directe et indirecte — comment s’étonner de leur influence sur le Concile et ses documents ? Citons-en quelques-uns pour étayer notre affirmation :

  1. Le décret « Sacrosanctum Concilium » sur la liturgie

    Déjà dans l’article 5 nous rencontrons la notion de mystère pascal qui met l’accent de notre Rédemption en la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ et qui raye la réalité d’un sacrifice expiatoire dans la liturgie.



    Dans l’article 6, le mystère pascal se trouve mentionné deux fois.



    Dans l’article 7, la présence du Christ dans la Sainte Messe et dans la substance transubstantiée est mise pratiquement sur le même niveau que sa présence dans le ministre de l’action liturgique, dans la vertu des sacrements, dans sa parole et avec la présence où deux ou trois personnes sont réunies en son nom. Une telle présentation des choses est un emprunt manifeste aux protestants.



    Dans l’article 22, il y a une claire décentralisation de la compétence en matière liturgique : c’est dès maintenant l’évêque local et encore bien davantage la conférence épiscopale qui peut en décider.



    Dans les articles 24 et 51, on parle du grand poids de la sainte Ecriture dans la liturgie.



    L’article 34 invite à une réforme des rites pour qu’ils regagnent la splendeur d’une noble simplicité et soient dépourvus de répétitions. Ici nous voyons clairement l’influence rationaliste et anti-liturgiste puisque toute liturgie vit de répétitions, comme nous le voyons par exemple dans les rites de l’Église de l’Est, dans les Litanies et dans le chapelet.



    Les 36 et 54 parlent de l’introduction de la langue vernaculaire dans la liturgie sans donner de limites précises pour la Sainte Messe.



    Dans l’article 37 on trouve sous-jacente déjà l’inculturation et la soi-disant unité dans la pluralité liturgique, donc un éloignement de la vraie unité de l’Église et avant tout de l’esprit romain.



    L’article 47 n’utilise pour désigner le Saint Sacrifice de la Messe ni la notion de la « representatio » du Concile de Trente ni celle de « renouvellement » des derniers papes, mais parle d’un « laisser durer ». En langue œcuménique, le sacrifice et le sacrement sont nommés ensemble.



    L’article 55 suggère de donner en des occasions particulières l’Eucharistie sous les deux espèces à la manière des protestants.



    L’article 81 exige la suppression de la pensée sombre de la mort par d’autres couleurs liturgiques que le noir. Or, une telle orientation va encore trouver l’applaudissement des protestants qui ne connaissent ni le purgatoire ni la prière pour les défunts.



    Si on jette un regard sur ce schéma, on constate un esprit rationaliste, anti-liturgique et anti-romain, tout à fait la mentalité protestante.

     
  2. La constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium ».

    L’article 8 dit pour commencer que l’Église du Christ « subsiste dans l’Église catholique », expression néfaste et lourde de conséquences. Or, c’est un pasteur protestant, le pasteur Schmitt qui a fait la proposition de remplacer le est de l’identification entre l’Église du Christ et l’Église catholique par l’expression relativiste subsistit in.



    Dans le chapitre 2, articles 4 à 17, on parle d’abord de l’Église en tant que peuple de Dieu et seulement dans le troisième chapitre on parle de la hiérarchie comme si elle était un fruit de la communauté et un service pour elle.



    Dans l’article 10 on déduit du sacerdoce du Christ tout d’abord le sacerdoce commun de tous les baptisés et seulement après le sacerdoce ministériel.



    Dans l’article 21 le sacrement de l’Ordre n’est plus conçu à partir du Saint Sacrifice de la Messe mais à partir de la prédication et de l’administration des sacrements.



    L’attentat le plus grave contre le primat papal apparaît dans l’article 22 avec l’affirmation d’une double autorité dans l’Église : d’un côté Pierre, de l’autre le collège des évêques avec et sous Pierre. Heureusement, cette erreur très grave est corrigée dans la « nota prævia explicativa » ajoutée au texte du Concile lui-même, mais la correction n’est reprise ni par le nouveau droit canon, ni par le catéchisme de l’Église catholique et son Compendium.



    L’article 29 concède le diaconat permanent aux hommes mariés. Il y a donc une brèche dans le bastion du célibat ecclésiastique qui nous distingue visiblement des protestants.



    Tout le quatrième chapitre, c’est-à-dire les articles 30 à 38, parle des laïcs avant les religieux qui sont traités seulement au cinquième chapitre. Le protestantisme n’aime pas la vie consacrée, en particulier la vie contemplative.



    Les réserves graves de Karl Rahner et de messieurs Ratzinger, Grillmeier et Semmelroth contre un schéma propre sur la Très Sainte Vierge furent assumées par le Concile. Les explications sur la Très Sainte Vierge se trouvent maintenant dans le chapitre 8 de la constitution sur l’Église, et on y omet délibérément le titre de « corédemptrice » ; le titre de « Médiatrice » n’est pas non plus reconnu à la Très Sainte Vierge, son usage est seulement mentionné.

     
  3. Le décret sur l’œcuménisme « Unitatis redintegratio »

    Remarquons tout d’abord que la notion d’œcuménisme nous vient du protestantisme où l’on voit des efforts œcuméniques déjà au XIXe siècle pour porter remède à leur déchirement sans espoir.



    L’article 3 dit que les communautés séparées de l’Église catholique ne se trouvent pas en pleine union avec l’Église ; mais on prétend quand même qu’il y a continuation d’une certaine communion, puisque ces fidèles sont justifiés dans le baptême et incorporés au Christ ; c’est pourquoi, dit le décret, on les reconnaît à juste titre comme frères dans le Seigneur. La faute pour la séparation est à chercher de l’un et de l’autre côté. L’affirmation que les éléments de sanctification dans ces communautés appartiennent de jure à l’Église catholique est une amélioration insérée par le Pape juste avant la publication du décret.



    Dans le paragraphe 4, on dit que ces communautés en tant que telles sont moyens de salut, et ceci signifie deux choses :
  • elles ont de l’importance pour le salut de leurs membres,
  • elles ont en général une fonction sotériologique-historique.



    Ces affirmations relativistes apparaissent comme parmi les plus graves du Concile dans sa totalité.



    Dans l’article 4 il est dit que le travail œcuménique est essentiellement autre chose que de favoriser des conversions individuelles ; une affirmation semblable se trouve dans la Constitution sur l’Église à la fin de l’article 9. On remplace donc la mission donnée par Jésus-Christ par l’effort pour une coexistence pacifique entre toutes les dénominations et religions à la manière protestante.



    L’article 7 nous dit qu’il n’y a pas de vrai œcuménisme sans une conversion intérieure, et ainsi on mélange orthodoxie et orthopraxie, le côté objectif et le côté subjectif.



    L’article 8 ne permet pas seulement la prière commune avec les « frères séparés », mais la recommande explicitement, et spécialement comme témoignage des liens existants.



    L’article 10 exige l’enseignement de la théologie, particulièrement en matière historique, sous l’angle œcuménique ; avec cela toute théologie controversiste et apologétique par rapport au protestantisme est condamnée à mort.



    Dans l’article 11, on trouve l’affirmation néfaste de la hiérarchie des vérités. Il faut cependant remarquer que cette expression ambiguë fut clarifiée en 1973 par le Saint-Office dans le sens catholique. Cette expression ne veut pas dire qu’une vérité est plus importante que l’autre mais que l’une sert de base à l’autre.



    Si dans l’article 21 la Sainte Écriture nous est présentée comme un instrument excellent pour le dialogue, on doit se demander comment on devrait mener ce dialogue avec les subjectivistes protestants chez lesquels chacun est son propre magistère. De plus, le Magistère authentique dans cet article est rabaissé à une place particulière, il n’est plus la norme pour le canon et pour l’interprétation de la Sainte Écriture.



    Dans l’article 22 on attribue à la cène protestante, malgré le manque du sacrement de l’Ordre, une certaine valeur positive.



    Il est aussi à remarquer que la question des mariages mixtes n’est pas traitée, et qu’on omet d’enseigner aux catholiques qu’ils ne doivent contracter un mariage mixte que devant le prêtre catholique, qu’ils doivent faire baptiser les enfants dans l’Église catholique et les éduquer dans cette foi.
  1. La constitution dogmatique sur la Révélation divine « Dei Verbum »

    Cette constitution abandonne la doctrine catholique des deux sources de la Révélation pour se rapprocher du sola scriptura des protestants. La Révélation nous est présentée d’emblée dans le chapitre 1 non plus comme une communication des vérités sur Dieu et ses intentions salvifiques, mais comme une auto-communication de Dieu ; en ceci le passage d’une perspective objective à une perspective subjective est bien mis en évidence.



    Dans l’article 5, la foi est décrite comme une rencontre personnelle avec Dieu et un don de tout l’homme à lui ; la tradition ne devrait plus être comprise comme complément quantitatif et matériel de l’Écriture ; elle a seulement cette double fonction de reconnaître le canon complet et de donner la certitude sur ce qui est révélé. D’une façon ambiguë, le magistère est présenté non pas au-dessus de la parole de Dieu, mais à son service.



    Toute l’exégèse moderne avec sa « Formengeschichte », pétrie de l’esprit protestant de Bultmann, est explicitement reconnue dans l’article 12 ; on n’attribue pas à la Sainte Écriture l’inerrance, mais on dit seulement qu’elle enseigne la vérité.



    L’article 19 dit que les Évangiles offrent du vrai et du sincère — dans le texte original y était ajouté : « puisé par la force créatrice de la communauté primitive », ce qui a été supprimé après la protestation de beaucoup de Pères du Concile. Dans la 2e phrase de cet article 19, le Concile assume explicitement l’exégèse moderne : Les apôtres prêchaient par une compréhension plus pleine du Christ ; les rédacteurs des Évangiles ont « rédigé » ce matériel de prédication, c’est-à-dire qu’ils ont choisi, résumé, actualisé.



    Dans l’article 22, les traductions œcuméniques de la Bible sont encouragées, traductions qui, en effet, sont utilisées aujourd’hui. On peut cependant se demander comment, dans de tels textes, on peut formuler l’Annonciation de Marie et quel commentaire en donner ; la même chose vaut pour les frères de Jésus, ainsi que pour Matthieu 16, 18.

     
  2. La constitution pastorale « Gaudium et spes »

    Nous ne verrons en elle qu’un seul point, à savoir l’inversion des fins du mariage dans les numéros 49 et 50. Les conférences épiscopales d’Allemagne et d’Autriche ont déclaré par la suite que c’est la conscience des époux qui constitue la norme suprême au lieu de dire que la doctrine de l’Église est la norme suprême et que la conscience personnelle ne se prononce que dans son application.

     
  3. Le décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Église « Christus Dominus »

    Dans l’article 38 on attribue à la Conférence épiscopale, dans quelques cas, un droit qui oblige. La porte pour la démocratisation et la décentralisation est ainsi ouverte.

     
  4. Décret sur le ministère et la vie des prêtres « Presbyterorum ordinis »

    Dans l’article 2, on donne la primauté, comme dans Lumen gentium, au sacerdoce de tous les baptisés et seulement ensuite au sacerdoce ministériel comme si le second émanait du premier ; idée protestante.

     
  5. Le décret sur la formation des prêtres « Optatam totius »

    Dans l’article 15, on donne son congé à la « philosophia perennis ». La procédure dans les études ne devrait plus être analytique, mais synthétique ; on n’y considère plus que la genèse des différents systèmes. Nous voyons ici dans sa racine le passage de l’ontologie et de la métaphysique vers l’empirisme et l’histoire de la philosophie.

     
  6. La déclaration sur la liberté religieuse « Dignitatis humanæ »

    Cette déclaration fut d’un grand intérêt pour les protestants, et ceci sous un double aspect en tant que principe et en tant que fait :
  • en tant que principe, elle remplace l’ordre objectif par la libre conscience.
  • en tant que fait, elle abolit les États catholiques qui sont un barrage contre la pénétration des sectes protestantes. Ainsi, on voit le Conseil mondial œcuménique des Églises protestantes à Genève s’adresser à la présidence du Concile en septembre 1965, donc juste avant la quatrième session qui sera la session finale, pour demander avec instance de proclamer la liberté religieuse, ce qui fut fait le 7 décembre 1965.

REGARD SUR LA SITUATION DE L’ÉGLISE D’AUJOURD’HUI

Une influence si massive du protestantisme au Concile ne pouvait que produire une Église protestantisée :

  1. La structure de l’Église
  • Le pouvoir central de Rome est fortement diminué en faveur des Conférences épiscopales qui se constituent de plus à l’instar d’églises nationales. Le double pouvoir dans l’Église : d’un côté le Pape, de l’autre le collèges des évêques avec le Pape qu’on trouve dans Lumen gentium avec la nota prævia explicativa, qui évite le pire, réapparaît dans les canons 336 (droit canon 1983), dans le Catéchisme de l’Église catholique, n° 883 et dans le nouveau Compendium, question n° 183.

    Dans son encyclique Ut unum sint du 25 mai 1995, le pape Jean-Paul II dit ceci :

    « […] Je prie l’Esprit Saint de nous donner sa lumière et d’éclairer tous les pasteurs et théologiens de nos Églises, afin que nous puissions chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres. » (DC 18 juin 1995 n° 2118, p. 593 § 95)
  • Partout on constate une démocratisation de l’Église, à commencer dans les paroisses par les conseils paroissiaux, dans les diocèses, et avec les synodes des évêques à Rome même. Il y a vraiment une hiérarchie parallèle.
  • Le mépris du monachisme par les novateurs dans l’Église est obvie. Aux États-Unis, la vie religieuse est en train de disparaître complètement.



    La vie consacrée trouve, là où elle existe encore, son épanouissement dans l’exercice des œuvres sociales. Dans les oraisons pour les fêtes des fondateurs d’Ordres, dans le Novus Ordo Missæ, on passe systématiquement sous silence la gloire du fondateur et la grâce de la fondation.
  1. La foi
  • La foi dans l’unicité et le caractère absolu de l’Église est aujourd’hui, même chez les catholiques, presque universellement remise en question ou reniée.
  • b) Un subjectivisme malicieux s’est introduit non seulement dans la conscience générale des gens, mais même chez les catholiques. Le cardinal Ratzinger, dans son homélie pour l’ouverture du conclave, le 18 avril, a parlé de la “tyrannie du relativisme”. Or, l’œcuménisme est justement ce relativisme religieux.
  • Si tous les fidèles, par la grâce du baptême, sont unis entre eux une fois pour toutes comme le dit le pape Jean-Paul II, la grâce est inaliénable, ce qui équivaut à une hérésie. Or, nous trouvons dans l’Église cet optimisme du salut qui oublie totalement le jugement de Dieu et la possibilité de la damnation.
  • Dans la déclaration commune sur la justification du 31 octobre 1999 on prétend que l’homme peut être un pécheur et un saint en même temps. Or une telle conception ne peut que se baser sur la notion protestante de la justification.
  • Certains membres de la hiérarchie se plaignent d’un esprit de sécularisation. N’est-ce pas Luther qui est son premier représentant ? par exemple avec son axiome : « le mariage est une chose purement séculière ».
  • C’est moins la vérité qui importe que la véracité, la sincérité. Il y a donc un passage de l’ordre ontologique à l’ordre moral. Le canon 844 du nouveau droit canon en est un reflet : Pour donner les sacrements de la Pénitence, de l’Extrême-Onction, de l’Eucharistie à des non-catholiques, il suffit à ceux-ci de croire à ces sacrements. Comme la Pénitence et l’Extrême-Onction n’intéressent pas les Protestants, il leur suffit de croire en la présence réelle pour pouvoir communier chez nous. On n’exige plus la foi comme adhésion à toute la Révélation mais la sincérité d’une foi subjective.
  • L’harmonie entre la grâce et la nature est presque partout brisée, tout comme l’identité entre Jésus de Nazareth et le Christ de la Foi. Le protestantisme qui connaît une oscillation constante entre le rationalisme et le fidéisme nie en grande partie chez ses théologiens la divinité du Christ. Pour les fidéistes, la religion n’est qu’un sentiment qui se diversifie en mille sortes de Pentecôtismes. Dans ce même ordre, le bien commun laisse la place à l’auto-réalisation.
  • Dans la spiritualité, il y a un éloignement notable de l’esprit de sacrifice, de pénitence et de prière.
  • La dévotion envers la Très Sainte Vierge et les Saints est presque complètement rayée de la spiritualité moderne.
  1. Le culte

    Les trois réalités ontologiquement liées entre elles, à savoir : l’autel, le Sacrifice et le prêtre sont remplacées par trois autres réalités également étroitement liées entre elles : la table, le repas, le président.



    La première version de la définition de la messe dans le Novus Ordo Missæ, définition complètement protestante, se trouve exactement dans la ligne du n° 7 de la Constitution sur la liturgie Sacrosanctum concilium. Dans la nouvelle liturgie, on parle beaucoup, mais l’aspect de prière, de sacrifice et du culte est énormément diminué.

Conclusion

D’après l’encyclopédie de l’année 2000, il y a actuellement dans le monde 33.820 dénominations protestantes différentes. Au fond, il faudrait dire qu’il y a autant de dénominations qu’il y a de protestants puisque chacun est son propre magistère et son propre prêtre. Avec le Concile et après le Concile, l’Église catholique a assumé tellement de postulats protestants qu’elle est en train de prendre le même chemin de l’auto-dissolution. Que le Seigneur de l’Église nous fasse la grâce d’une réforme rapide et énergique, une réforme in capite membris selon l’exemple du Concile de Trente.

Un prélat de la Curie romaine disait récemment que de ce Concile il ne resterait qu’une seule chose : une grande confusion. Et le Cardinal Stickler me disait qu’un jour on serait obligé de faire une révision du Concile et que notre Fraternité pourrait y contribuer. Ces symposiums organisés ici à Paris en sont une magnifique mise en œuvre.

  • 1Des milliers d’Eglises séparées existant de par le monde, il était impossible d’inviter chacune d’entre-elles à se faire représenter au Concile. Le cardinal Bea s’est résolu à entrer en contact avec les communautés les plus nombreuses et à les inviter à envoyer des délégations qui puissent représenter toutes les Églises qui leur étaient affiliées.

    Le cardinal Bea invita l’archevêque de Cantorbéry à envoyer une délégation représentant l’Église anglicane. L’invitation fut acceptée. (cf. Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, p. 120.)
  • 2Savoir et Servir n° 56, p. 98.
  • 3Joseph, Cardinal Ratzinger, Œcuménisme et Politique, p. 189, éd. Fayard 1987.