Monseigneur Marcel Lefebvre

Monseigneur Marcel Lefebvre 29/11/1905 - 25/03/1991

Fondateur de la FSSPX

Supérieur Général de 1970 à 1982

Marcel Lefebvre est né le 29 novembre 1905 dans une famille d'industriels du Nord de la France, troisième d'une fratrie de huit enfants, dont cinq se consacreront à Dieu : René et Marcel, prêtres et missionnaires, Jeanne, religieuse de Marie Réparatrice, Bernadette, Sœur du Saint-Esprit, et Christiane, carmélite.

Leur père, René Lefebvre, arrêté en 1941 par la Gestapo pour ses activités dans la résistance, mourra en février 1944 au bagne nazi de Sonneburg, le chapelet à la main, victime des mauvais traitements. La mère de famille, issue elle aussi du patronat du Nord, est Tertiaire franciscaine, infirmière de la Croix Rouge ; elle sait unir les œuvres à la vie intérieure, offrant à Dieu ses peines comme ses succès. Elle décédera saintement en 1938.

VOCATION ET SACERDOCE

Marcel adolescent éprouve, lui aussi, le besoin de se donner. Il sillonne les rues de Tourcoing en bicyclette pour visiter les pauvres. Il repeint à neuf l’appartement d’un horloger paralysé et miséreux, lui trouve des clients et transforme ainsi sa vie. Dans son cœur, brûle une soif ardente de sauver les âmes. Après mûre réflexion, il décide de devenir prêtre. Après ses études secondaires, il rejoint son frère aîné au séminaire français de Rome en octobre 1923. Mgr Lefebvre gardera toujours une grande estime pour le directeur du séminaire français le Père Henri Le Floch qui lui fit aimer et révérer l'enseignement des papes. Le Père expliquait avec force les grandes encycliques dirigées contre les erreurs modernes telles que le libéralisme, le modernisme ou le communisme.

Le 21 septembre 1929, Marcel Lefebvre est ordonné prêtre par Mgr Liénart en la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur à Lille. Il revient ensuite à Rome pour préparer son doctorat en théologie, tout en faisant office de grand cérémoniaire au séminaire.Déjà titulaire d'un doctorat en philosophie, il obtient le doctorat de théologie le 2 juillet 1930.

De 1930 à 1931, il est vicaire dans une banlieue ouvrière de Lille attendant la permission de son évêque d'entrer chez les Pères du Saint-Esprit (Congrégation missionnaire). En effet, désireux de se faire missionnaire auprès des Noirs, il entre en 1931 au noviciat de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit où il prononce sa profession religieuse le 8 septembre 1932. Il s'embarque le 12 novembre 1932 pour le Gabon.

LE MISSIONNAIRE

Le 1er septembre 1931, il commence son noviciat Ayant émis sa profession religieuse le 8 septembre 1932, le 12 novembre de la même année il s'embarque pour Libreville (Gabon) où il est nommé professeur au séminaire, poste qu'il occupera jusqu'en 1934, date à laquelle il se verra confier la responsabilité de directeur jusqu'en 1938. A cette date, souffrant de paludisme et absolument épuisé, il est envoyé « se reposer en brousse». Le 28 septembre 1935 il a prononcé ses vœux perpétuels de religion.

De 1938 à 1945, le Père Marcel est supérieur de diverses missions au Gabon. Il y montre un grand sens de l'organisation, et se révèle excellent administrateur, attentif à moderniser les installations pour faciliter la tâche de tous : il fait ainsi installer groupes électrogènes, machines, eau courante.

En octobre 1945 il est rappelé en France et se voit confier le scolasticat de philosophie des spiritains à Mortain (Manche). Il s'applique à relever la maison de ses ruines - elle avait souffert de la guerre - et à former ses séminaristes selon l'enseignement des papes.

ELEVATION A L'EPISCOPAT

Le 25 juin 1947, il apprend qu'il est nommé vicaire apostolique de Dakar, et le jeudi 18 septembre 1947, il est sacré évêque à Tourcoing par le cardinal Liénart assisté de Mgr Jean-Baptiste Fauret, son ancien supérieur au Gabon, et de Mgr Alfred Ancel, son ancien condisciple du Séminaire français de Rome.

Arrivé sur place, sa première préoccupation est la formation des prêtres. La prunelle de ses yeux sera donc le séminaire. Pour cela, il installe à proximité un couvent de Carmélites, pour attirer plus sûrement la grâce divine. Quant à la mission, quelque peu moribonde, elle est relancée et fera bientôt barrière à l’Islam.

DELEGUE APOSTOLIQUE POUR TOUTE L'AFRIQUE FRANCOPHONE

En 1948, Pie XII le nomme délégué apostolique pour l'Afrique noire francophone, c'est-à-dire l'équivalent d'un nonce apostolique. En outre, le délégué devant avoir le rang d'archevêque, Mgr Lefebvre était nommé archevêque titulaire d'Arcadiopolis in Europa. Il était représentant du pape dans un diocèse, 26 vicariats et 17 préfectures apostoliques, sur un territoire s'étendant du Maroc et du Sahara à Madagascar et à la Réunion en passant par l'AOF, le Cameroun français, l'AEF et la Somalie, soit une population catholique de plus de deux millions de fidèles.

Il fait aussitôt la visite de son vicariat, situé autour du Cap vert, à la pointe Ouest de l’Afrique. C’est un pays semi désertique qui contraste avec le Gabon. Cinquante mille catholiques répartis entre la ville de Dakar et les villages du littoral, avec des missions à l’intérieur du Sénégal, sont confrontés à un million et demi de musulmans. Mgr Lefebvre doit faire face à une situation toute nouvelle pour lui. Pendant la guerre, son prédécesseur Mgr Grimault a maintenu tant bien que mal les postes existants, mais une remise en ordre est nécessaire, et il faut relancer la mission parmi les païens.

Alors que Mgr Lefebvre se demande comment relancer la mission moribonde en pays païen, voici que se produit la soudaine percée tant attendue en pays Sérère. L’évêque obtient aussitôt un renfort de missionnaires. Pour faire immédiatement barrage à l’islam qui, venant du Nord, déferle sur les contrées animistes, il approuve et appuie le « zèle inventif et ingénieux » d’un de ses pères : fonder pour les païens, encore polygames mais favorables à l’Eglise, une association appelée ‘Fog Ola’ : Les Amis des chrétiens, avec carte d’identité et promesse de se faire baptiser avant la mort. Ce sera un succès. Ces gens, sans être encore chrétiens, seront tous reliés à l’Eglise. Quant aux jeunes, ils seront catéchisés, baptisés, mariés, et l’Eglise s’implantera dans le Sine et le Selloum.

En ville, il faut bâtir de nouvelles églises. A son arrivée, Marcel Lefebvre a trouvé à Dakar deux paroisses et trois églises ; à son successeur, il laissera neuf paroisses et treize églises.

Autre chantier, couronné de succès : le collège de garçons, construit dans les dunes de Hann, aux portes de la capitale. D’emblée il est conçu pour recevoir 700 élèves : son but est de préparer une élite de jeunes catholiques pour ce pays musulman qui va prochainement accéder à l’indépendance. Certes, avec les chefs religieux musulmans, l’évêque se montre respectueux et cordial, mais l’Islam n’en demeure pas moins un carcan, et l’Eglise se doit d’apporter la vraie liberté, celle des enfants de Dieu.

En 1949, sur le parvis de la cathédrale de Dakar, le ministre de la France d'Outre-Mer viendra lui remettre la croix de chevalier de la Légion d'honneur. Au moins une fois par an, le délégué apostolique rend compte au pape de son action et reçoit ses directives. Il fait ainsi la connaissance des divers dicastères de la Curie romaine.

A la Secrétairerie d'Etat où il vient en tant que diplomate, Mgr Lefebvre fréquente les deux substituts : Mgr Tardini et Mgr Montini ; ce dernier reçoit le délégué aimablement mais ne manifeste pas de sympathie pour ses idées. Quant à Pie XII, il dira un jour à un visiteur, M. Winckler : "Vous avez vu cet homme qui vient de sortir de chez moi ? C’est Mgr Lefebvre, le meilleur de mes délégués apostoliques ".

Après l'élection de Jean XXIII, il est relevé de sa charge de délégué apostolique, mais reste archevêque de Dakar. Président de la Conférence épiscopale de l’Ouest africain, il est appelé le 5 juin 1960 à siéger à la Commission centrale préparatoire du Concile en préparation. Le 15 novembre 1960 le pape le nomme Assistant au Trône pontifical. Mais sa franchise inflexible pour défendre l'enseignement des papes et dénoncer le « socialisme croyant » du président Senghor lui vaut la colère de ce dernier et contribua sans doute à hâter sa démission, souhaitée (silencieusement) par Rome. Mgr Lefebvre quitte l’Afrique après y avoir organisé 21 nouveaux diocèses.

LE RETOUR EN FRANCE

En 1962, il est transféré du siège archiépiscopal de Dakar au siège épiscopal de Tulle avec le titre personnel d'archevêque. Les évêques français avaient fait pression sur Rome afin qu'il ne fût pas nommé archevêque d'Albi, comme cela avait été envisagé, et n'avaient accepté sa venue en métropole qu'à la condition qu'il fût envoyé dans un petit diocèse. On ne voulait pas de lui du fait de ses « tendances intégristes ». A Tulle, la situation était sombre, les vocations en baisse, la pratique aussi, les prêtres vivaient dans la misère et se décourageaient. Monseigneur Lefebvre envisagea des mesures énergiques, remonta le courage de ses prêtres, les visitant et les soutenant. Très impressionné par la différence entre la mission florissante qu’il avait quittée en Afrique et la désolation rencontrée en France, Mgr Lefebvre a compris que l’abandon de la soutane va de pair avec bien d’autres abandons inspirés par la sécularisation et la laïcité ambiantes, et surtout par le mirage trompeur de « l’ouverture au monde » , si contraire au véritable zèle missionnaire.

Cependant, après seulement six mois, l’archevêque est appelé à Rome où la Congrégation des Pères du Saint-Esprit vient de l’élire comme Supérieur général, le 26 juillet 1962. Le pape l’honore alors du titre d’archevêque de Synnada, en Phrygie (aujourd’hui Şuhut, en Turquie).

Le 25 janvier 1959, le pape Jean XXIII avait annoncé la réunion d'un concile. Mgr Lefebvre, nommé parmi les membres de la Commission centrale préparatoire au concile, assistera à toutes les séances, parfois présidées par le pape, et sera témoin de l'affrontement, parfois violent, entre la tendance libérale et les membres conservateurs de la Commission. Cela lui apparut comme un présage funeste. Durant le concile, devant l'importance prise par les thèses modernistes, soutenues par un véritable lobby, préparé et organisé (1), il sera à l'origine avec quelques autres évêques du Coetus internationalis Patrum dont il est le président. Il fait la connaissance de Mgr de Antonio de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, qui participera au Coetus. Par son combat au sein du Coetus et par ses interventions, il lutte contre l'influence moderniste qui s'étend sur le concile, mais les résultats seront insuffisants. Comme supérieur général des Spiritains, il lutte contre le relâchement et les déviations théologiques, malheureusement encore sans un succès complet, car les hommes qu'il met en place ne sont pas toujours dignes de sa confiance. Il réforme l'organisation de la congrégation, transfère la maison mère à Rome, sillonne le monde pour visiter les maisons, encourager et organiser.

Mgr Lefebvre devient rapidement la bête noire des pères libéraux. Lorsque le pape Paul VI, qui a succédé à Jean XXIII, parle en 1965 de nommer l’ex-évêque de Tulle membre d’une commission ad hoc de quatre pères pour résoudre le problème du schéma sur la liberté religieuse, un vent de panique souffle parmi les cardinaux libéraux, qui supplient le pape de n’en rien faire. « Je fus le seul éliminé, dira Mgr Lefebvre dans un sourire, mes interventions sur ce sujet au Concile et mon appartenance au Coetus les effrayaient ».

En 1965, commence l'"aggiornamento" des congrégations religieuses, demandé par le concile. Monseigneur Lefebvre veut qu'il aille dans le sens d'un redressement des déviations et d'une plus grande sainteté de la vie religieuse. Il est loin d'être fermé à toutes réformes, même audacieuses, pourvu qu'elles s'inscrivent dans la fidélité aux fondateurs.

Au chapitre général de la congrégation, en 1968, on cherche à le mettre à l'écart et l'esprit qui règne est aux réformes de mauvais aloi.Pour ne pas avoir à signer les décrets qui mettront la Congrégation au goût du jour, Mgr Lefebvre, quittant le chapitre, se retire après l'élection de son successeur, dans une petite pension tenue par des religieuses, à Rome. Il a soixante-trois ans. Depuis plusieurs années, il avait été sollicité par des prêtres, et surtout des séminaristes en quête d'une formation sérieuse. Il les avait dirigés sur le séminaire français de Rome, tenu par les spiritains et qu'il pensait pouvoir garder dans une ligne saine ; hélas, ce ne fut pas le cas, le recteur du séminaire tenant peu compte des avis de son supérieur général.

FONDATION DE LA FRATERNITE SACERDOTALE SAINT PIE X (FSSPX)

Monseigneur Lefebvre dirigea alors certains séminaristes vers une société sacerdotale établie à Rome, et d'autres vers l'université catholique de Fribourg en Suisse. Devant l'insistance de nouveaux prêtres et de séminaristes qui le suppliaient de faire lui-même une ouvre pour le sacerdoce, il s'en remet à la décision de l'évêque de Fribourg qui l'autorise bien volontiers à ouvrir un "convict" pour des séminaristes de tous pays. Le séminaire était né. Mgr Lefebvre loue douze chambres dans un foyer religieux à Fribourg. Le 13 octobre 9 candidats y entrent : ils suivent les cours de philosophie et de théologie à l’Université et mènent la vie commune dans une maison louée rue de la Vignettaz.

Les débuts sont difficiles, les départs nombreux, de plus Mgr Lefebvre est éprouvé par la maladie En juin 1970, il achète une maison, toujours à Fribourg, pour y loger ses séminaristes qui continueront leurs études à l'université, mais par ailleurs, avec l'autorisation de Mgr Adam, évêque de Sion, il accepte la maison d'Ecône qui lui est offerte par ses propriétaires, pour y installer une année de spiritualité pour les nouveaux venus (en application du concile dans son décret sur la formation des prêtres).

Le 1er novembre 1970, Mgr François Charrière, évêque de Fribourg, approuve les statuts rédigés par Mgr Lefebvre pour la Fraternité Saint-Pie X et érige celle-ci dans son diocèse. Le but de la Fraternité, fixé par ses statuts, est "le sacerdoce et tout ce qui s'y rapporte et rien que ce qui le concerne". Les cours de l'université de Fribourg ne donnant pas satisfaction, Mgr Lefebvre obtient de l'évêque de Sion la permission d'installer un séminaire à Ecône qui connaîtra un développement rapide. Devant la détresse et le découragement de nombreux catholiques confrontés la disparition de la foi, le saccage de la liturgie et la perte de tout sens divin, Monseigneur Lefebvre prend son bâton de missionnaire et commence à sillonner l'Europe et le monde, donnant des conférences, encourageant les fidèles désemparés et les prêtres persécutés à se grouper et à garder la foi sans compromis.

En 1973, à la demande d'une jeune Australienne, Mgr Lefebvre fonde avec l'aide de sa soeur, Mère Marie Gabriel, religieuse du Saint-Esprit, une société de religieuses, dont il avait eu l'idée dès la rédaction des statuts de la Société. Ce sont les débuts des Soeurs de la Fraternité, qui s'installent dans la maison acquise aux environs de Rome, à Albano. Leur vocation les appelle à être les aides discrètes et efficaces des prêtres tout en ayant une vie semi-contemplative (1 heure d'adoration par jour).

Les frères de la Fraternité se développent vers la même époque, et l'institution des oblates est contemporaine de celle des Soeurs de la Fraternité. Dès 1971, quelques pieux laïcs avaient demandé à Mgr Lefebvre s'il ne constituerait pas un tiers-ordre. Celui-ci sera finalement érigé en 1981, selon les règles établies par le fondateur.

Le 11 novembre 1974, est effectuée une visite apostolique à Ecône, suite aux plaintes des évêques français contre ce séminaire qui garde la messe et la tradition et qui reçoit des vocations alors que leurs propres séminaires se vident. Les deux visiteurs apostoliques, Mgr Albert Descamps, secrétaire de la Commission biblique et Mgr Guillaume Onclin, secrétaire adjoint pour la révision du droit canonique, se rendent à Écône. Les prélats scandalisent les séminaristes et les professeurs du séminaire par leur attitude et surtout leurs propos théologiques. A la suite de cette visite, Mgr Lefebvre rédige, le 21 novembre 1974, une déclaration vibrante dans laquelle ,il affirme son attachement à la Rome éternelle et son refus « de la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s'est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. » :

"Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité. Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues (...). "

Mgr Lefebvre est convoqué à Rome pour un « entretien », en fait il s'agit d'une mise en accusation. Le 6 mai 1975, la Fraternité est illégitimement « supprimée ». Mgr Lefebvre fait alors appel auprès de la Signature apostolique, mais cet appel est bloqué par le cardinal Jean Villot, Secrétaire d'Etat. Dans le calme et dans la paix, face à ce déni de justice, le prélat décide de poursuivre son ouvre considérant que la Fraternité continue à exister, sa suppression étant irrégulière et en tous cas injuste.

Le 29 juin 1976, passant outre aux menaces de Rome, estimant que le combat qu'il mène est fondamental pour la défense de la messe et de la foi, Mgr Lefebvre ordonne 13 prêtres et 14 sous-diacres sans lettres dimissoires. Le 22 juillet 1976 il est frappé de suspens a divinisqui devrait le priver de l'exercice de tout acte sacramentel. Cette sanction ne le trouble ni ne le prend de court, mais, dans une vision supérieure de son devoir, il va continuer à mener le bon combat contre toutes les déviations qui, déjà, font vaciller l'Eglise.

Le 29 août il célèbre une messe solennelle publique, à Lille, devant 7 000 fidèles, que la presse médiatise fortement, parlant de l'évêque « rebelle ». Il est cependant reçu en audience par Paul VI le 11 septembre. Il découvre qu'il a été gravement calomnié auprès du pape. Ce dernier ne veut toutefois rien céder quant à la messe de saint Pie V, désireux d'imposer "sa" réforme, alors que Mgr Lefebvre, au nom de la fidélité à l'Eglise pérenne, ne veut et ne peut accepter l'Eglise "conciliaire" ni la nouvelle messe .

En septembre 1976, il fait paraître son livre "J'accuse le concile".

Le 18 novembre 1978, à peine un mois après son élection, le pape Jean-Paul II reçoit Mgr Lefebvre. L'entretien débute favorablement, mais l'intervention du cardinal Seper, président de la Congrégation pour la doctrine de la foi, gâte les choses. Le dossier est d'ailleurs remis entre ses mains. C'est le début d'un processus qui durera des années, au cours duquel le fondateur d'Ecône viendra souvent à Rome pour s'expliquer et pour tâcher d'obtenir un retour à la tradition, gardienne de la foi, ou tout au moins que celle-là puisse être suivie librement pas la Fraternité. Mais ni le cardinal Seper, ni son successeur, le cardinal Ratzinger ne se montreront disposés à faire un quelconque geste.

A l’âge de 77 ans, en 1982, il résigne ses fonctions de Supérieur général de la Fraternité et en laisse le gouvernement à son successeur, l’abbé Franz Schmidberger.

En 1983, Mgr Lefebvre, déjà progressivement déçu par les textes à saveur moderniste du pape Jean-Paul II, est profondément choqué par le nouveau code de droit canon qui réduit en lois les déviations du concile. Il envisage alors sérieusement un sacre épiscopal et s'engage dans la voie des protestations publiques contre les scandales perpétrés au sommet de l'Eglise. Le 21 novembre 1983, Mgr Lefebvre publie avec Mgr de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, un manifeste épiscopal dans lequel il dénonce « les principales erreurs de l’ecclésiologie conciliaire » : conception ‘latitudinariste’ et œcuménique de l’Eglise ; gouvernement collégial et démocratique ; faux droits naturels de l’Homme ; conception erronée du pouvoir du pape ; conception protestante de la Messe ; libre-diffusion des erreurs et des hérésies. Les deux évêques concluent : « Il est temps que l’Eglise recouvre sa liberté de réaliser le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et le Règne de Marie sans se préoccuper de ses ennemis. »

En 1985, Mgr Lefebvre soumet à Rome ses dubia : trente-neuf propositions ou « doutes » concernant la discordance de la doctrine de la liberté religieuse conciliaire avec l'enseignement antérieur de l'Eglise.

En Octobre 1986, c'est le terrible scandale d'Assise auquel Mgr Lefebvre répliquera par une lettre co-signée avec Mgr de Castro Mayer.

Mars 1987 voit arriver la réponse de Rome aux dubia. Réponse insatisfaisante. Longtemps pourtant il avait espéré que tel ou tel évêque assurerait après lui les confirmations et surtout les ordinations sacerdotales, ou plus durablement, que Rome reconnaîtrait à nouveau la Fraternité Saint-Pie X en lui donnant un statut canonique adapté : une suffisante liberté d’action par rapport aux diocèses, et la concession d’au moins un évêque, membre de la Fraternité, pour conférer les saints ordres.

Alors en juin 1987, il publie son livre traitant de la destruction du Règne social du Christ "Ils l'ont découronné" et annonce publiquement, le 29 Juin 1987, son intention de se donner des successeurs dans l'épiscopat. La réponse calamiteuse aux dubia est le signe qu'il attendait, car il est plus grave, explique-t-il, d'affirmer des principes faux que d'accomplir une action scandaleuse. Il fixe la date de la consécration à la fête du Christ-Roi. Rome réagit alors et propose la visite d'un cardinal qui n'aurait qu'une tâche d'information. Mgr Lefebvre accepte ce visiteur et communique la nouvelle aux 4 000 fidèles venus assister à la messe d'action de grâces pour ses 40 ans d'épiscopat, le 3 octobre.

Le 11 novembre le cardinal Gagnon commence sa visite qui s'achèvera le 8 décembre à Ecône. Le cardinal n'hésitera pas à assister à la messe pontificale de l'archevêque suspens et à l'engagement de jeunes gens dans une Fraternité supprimée ! Le rapport du visiteur est, pour ce que l'on a pu en savoir, favorable. Monseigneur Lefebvre a dit clairement ses exigences.

L'OPERATION SURVIE DE LA TRADITION

Le 2 février 1988 il confirme qu'il sacrera au moins trois évêques avec ou sans l'approbation du pape, pour le bien de l'Eglise et la perpétuité de la Tradition. Des négociations sont alors engagées à Rome entre des représentants de la Fraternité et des membres de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Elles aboutissent le 5 mai à la signature d'un protocole d'accord avec Rome ; mais, se rendant vite compte que le cardinal Ratzinger n'est pas prêt à lui accorder ce qu'il demande, il se rétracte. Il consulte, puis le 2 juin 1988, il écrit au pape sa décision de sacrer 4 évêques le 30 juin.

Le 30 juin 1988, il procède à la consécration de 4 évêques devant 10 000 fidèles et une foule de journalistes. Au cours de la cérémonie Mgr Lefebvre explique clairement la nécessité où il se trouve de transmettre l'épiscopat, pour le bien de l'Eglise, et malgré l'opposition de la hiérarchie. L'excommunication (2), logique dans l'esprit des autorités romaines, tombera la lendemain, mais elle porte à faux. Elle ne fait que signer l'impuissance d'un modernisme autrefois triomphant, mais qui déjà se désagrège en une corruption qui fait sentir désormais ses relents dans toute l'Eglise.

LES DERNIERES ANNEES DE SA VIE

Durant les trois années que Dieu va lui laisser, de 1988 à sa mort, Mgr Lefebvre va accompagner de sa présence morale ses quatre jeunes auxiliaires, introduire dans leur charge ses prochains héritiers, leur laissant conférer désormais les ordinations, auxquelles il assistera modestement. Mais sa santé décline, il fait un dernier voyage intercontinental en 1990 pour se rendre au Gabon.

Le 11 février 1991 il donne sa dernière conférence aux séminaristes. Le 8 mars il célèbre sa dernière messe et part pour Paris, mais dans la nuit du 9 mars, il réveille son chauffeur et demande à rentrer en Suisse. Il est hospitalisé d'urgence à l'hôpital de Martigny. Le 18 mars il est opéré. Le dimanche des Rameaux, 24 mars, son état empire soudain.

Le 25 mars 1991, fête de l'Annonciation, lundi saint cette année-là, à 3 H 25 du matin alors que le supérieur général et l'abbé Simoulin, directeur d'Ecône prient à ses côtés, Mgr Lefebvre rend son âme à Dieu.

Les funérailles furent célébrées le 2 aril 1991 au séminaire d'Ecône en présence de plusieurs centaines de prrêtres et de religieux et de plusieurs milliers de fidèles. Le sermon fut prononcé par M. l'abbé Frantz Schmidberger, Supérieur Général, qui lança cet appel poignant en direction des autorités romaines :

"En cette heure, nous supplions Rome et les évêques : abandonnez l'œcuménisme funeste, la laïcisation de la société et la protestantisation du culte divin, retournez à la sainte tradition de l'Eglise, même si vous scellez le tombeau que vous avez creusé à la vraie Sainte Messe, au catéchisme du concile de Trente et au titre de Roi universel de Jésus-Christ, par mille décrets et excommunications : la vie ressuscitera du tombeau fermé. "Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu ! " Un signe essentiel d'une telle conversion et d'un tel retour pourrait être une fois fermé le tombeau de Monseigneur Lefebvre, l'ouverture officielle d'un procès d'information pour constater le degré héroïque de ses vertus. Nous ses fils, nous sommes les témoins privilégies de ses mérites, de la force de sa foi, de son amour brûlant de Dieu et du prochain, de sa résignation dans la volonté de Dieu, de son humilité et de sa douceur, de sa vie de prières et d'adoration, de sa haine du péché et son horreur de l'erreur."

Nous laisserons le dernier mot de cette courte notice biographique à M. l'abbé Victor-Alain Berto, théologien privé de Mgr Lefebvre au concile Vatican II, qui écrivait le 3 janvier 1964 :

"J’avais l’honneur, très grand et très immérité, je le dis devant Dieu, d’être son théologien. Le secret que j’ai juré couvre le travail que j’ai fait sous lui, mais je ne trahis aucun secret en vous disant que Mgr Lefebvre est un théologien, et de beaucoup supérieur à son propre théologien et plût à Dieu que tous les Pères le fussent au degré où il est ! Il a un “habitus” théologique parfaitement sûr et affiné, auquel sa très grande piété envers le Saint-Siège ajoute cette connaturalité qui permet, avant même que l’habitus discursif intervienne, de discerner d’intuition ce qui est et ce qui n’est pas compatible avec les prérogatives du Rocher de l’Eglise.

Il ne ressemble en rien à ces Pères qui, comme l’un d’eux a eu le front de s’en vanter publiquement, prenaient des mains d’un “peritus”, dans la voiture même qui les amenait à Saint-Pierre, le texte “tout cuit” de leur invention “in aula”. Pas une fois je ne lui ai soumis un mémoire, une note, un canevas, sans qu’il les ait revus, rebrassés, repensés et parfois refaits de fond en comble, de son travail personnel et assidu. Je n’ai pas “collaboré” avec lui ; si le mot était français, je dirais que j’ai vraiment “sublaboré” avec lui, selon mon rang de théologien particulier et selon son honneur et sa dignité de Père d’un concile œcuménique, Juge et Docteur de la Foi avec le Pontife Romain".

Notes

(1) Cf. l’ouvrage de Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, Le Concile inconnu, Editions du Cèdre. 

(2) Cette sanction injuste a été levée le 21 janvier 2009 par le pape Benoît XVI

Sources : http://laportelatine.org/quisommesnous/BioMgrLefebvre/biographieMgr.php