Fête de saint Laurent
Saint Laurent, diacre du pape Sixte II, était originaire de Huesca, en Aragon. Il fut martyrisé en 258 à Rome. Dom Guéranger a livré un magnifique commentaire pour le jour de sa fête.
« Autrefois la mère des faux dieux, du Christ aujourd’hui l’Épouse, à cette heure par Laurent la victoire s’attache, ô Rome, à ton nom. Triomphatrice des rois superbes, ton empire s’imposait aux nations ; mais à ta gloire manquait, ayant réduit la barbarie, d’avoir aussi dompté les impures idoles.
« Victoire de sang, mais non plus tumultueuse, comme celles d’un Camille, d’un César ; combat de la foi qui s’immole à elle-même, et par la mort détruit la mort. De quelle voix, par quelles louanges célébrer cette mort ? Sur quel mode chanterons-nous dignement un pareil martyre ? »
Ainsi débute le poème sublime où Prudence a consacré les traditions qui de son temps, si rapproché encore de la grande lutte, entouraient d’une incomparable auréole le front du diacre romain.
C’était l’heure où l’éloquence enchanteresse de saint Ambroise redisait elle-même la rencontre de Sixte et du lévite au chemin du martyre.
Avant l’abeille de Milan, avant le chantre des Couronnes, Damase, Pontife suprême, consignait pour la postérité, dans ses monumentales inscriptions dignes de la majesté des temps du triomphe, cette victoire de Laurent par la seule foi que le poète exaltait dans des strophes immortelles.
Rome multipliait les démonstrations en l’honneur de l’invincible athlète qui, sur le gril ardent, avait prié pour sa délivrance.
Non contente d’insérer son nom au Canon sacré, elle entourait l’anniversaire de sa naissance au ciel des mêmes privilèges de solennité, de vigile et d’octave, que celui des glorieux Apôtres ses fondateurs.
Sur son sol empourpré du sang de bien d’autres témoins du Christ, chaque pas du lévite autrefois, chaque souvenir de Laurent, voyait surgir une église attestant la gratitude spéciale de la cité reine.
Parmi tant de sanctuaires rappelant à divers titres sa mémoire bénie, celui qui gardait le corps du martyr prenait place à la suite des églises du Latran, de Sainte-Marie de l’Esquilin, de Pierre au Vatican, de Paul sur la voie d’Ostie : Saint-Laurent-hors-les-murs complétait le nombre des Basiliques majeures qui sont l’apanage réservé du Pontife romain, comme étant l’expression de sa juridiction universelle et immédiate sur toutes les Eglises, comme représentant les patriarcats de Rome, d’Alexandrie, d’Antioche, de Constantinople, de Jérusalem, entre lesquels se divise l’univers.
Ainsi, par Laurent, la Ville éternelle achevait de se montrer pour ce qu’elle est, le centre du monde et la source de toute grâce.
De même que Pierre et Paul sont la richesse, non de Rome seule, mais de la terre, Rome vit donc aussi Laurent acclamé comme l’honneur du monde ; ennoblie par son héroïsme, l’humanité régénérée personnifia en lui le courage des autres martyrs.
Au commencement de ce mois, Etienne même se levait du lieu où il s’était couché dans la mort, pour venir confondre ses honneurs de Protomartyr avec la gloire du diacre de Sixte II dans la communauté d’une seule tombe.
Le triomphe, comme la lutte de tous, parut atteindre en lui au dernier sommet : bien que la persécution dût avoir encore de terribles retours et multiplier pendant un demi-siècle les hécatombes, la victoire de Laurent fut considérée comme le coup qui frappait le paganisme au cœur ; l’enfer s’était heurté, pour sa perte, à un amour plus inflexible que ses feux.
« Le démon, dit Prudence, avait pressé dans une lutte acharnée le témoin de Dieu ; il tombait lui-même percé de coups, et demeurait à jamais terrassé. Cette mort du saint athlète fut la vraie mort des temples ; alors Vesta vit déserter le palladium, sans pouvoir le venger.
« Tous ces Quintes, coutumiers des superstitions que Numa jadis avait instituées, se pressent, ô Christ, en tes parvis, et chantent des hymnes à ton martyr. Lumières du sénat, Luperques et Flamines baisent le seuil des Apôtres et des Saints.
« Nous y voyons d’illustres familles, patriciens et nobles matrones, offrir en vœu leur clarissime lignée, gage de chères espérances. Le pontife, au front naguère ceint de bandelettes, s’enrôle sous le signe de la Croix ; la vestale Claudia visite, ô Laurent, ton sanctuaire ».
Ne soyons pas étonnés si, du haut des sept collines, la solennité de ce jour remplit aussitôt l’univers des échos de sa triomphante allégresse.
« Autant il serait impossible à Rome de rester cachée, proclame saint Augustin, autant il l’est que la couronne de Laurent se dérobe aux yeux ».
En Orient comme en Occident, à Byzance comme à Rome, peuples et princes fondaient des temples à son honneur.
En retour, au témoignage de l’évêque d’Hippone, « ses bienfaits ne pouvaient se compter, montrant quel était son mérite : qui l’a prié, sans être exaucé ? »
Nous donc aussi, conclurons-nous avec Maxime de Turin, « dans cette dévotion concordante du monde célébrant partout le triomphe du bienheureux Laurent, comprenons que c’est une chose sainte et qu’il plaît à Dieu que nous honorions, dans la ferveur de nos âmes, la naissance au ciel de celui dont les flammes radieuses répandent aujourd’hui sur l’Eglise universelle du Christ un éclat de victoire.
Pour son insigne pureté d’âme qui le fit lévite, pour la plénitude de sa foi qui lui valut la dignité du martyre, c’est justement que nous l’exaltons comme presque l’égal des Apôtres ».
(Sources : Dom Guéranger, L'Année liturgique - FSSPX.Actualités)