La lecture spirituelle

Source: District de Belgique - Pays-Bas

« Qui veut faire l’ange fait la bête » disait Pascal. 

Les anges ont comme caractéristique de tout connaître par intuition. Ils reçoivent de Dieu des idées parfaites ; voyant ces vérités ils connaissent Dieu, et cette connaissance leur fait aimer et louer Dieu. 

Quand l’homme croit pouvoir connaître tout ce qui se passe dans le monde à travers un tout petit écran, par un simple regard, son action ressemble étrangement à celle de l’ange. Seulement, il y a une petite différence, qui change tout : L’homme est un être composé d’un esprit et d’un corps, et ne peut intuiter Dieu et comprendre en lui toutes les autres choses, comme le font les anges. 

Il est obligé de passer par des raisonnements, au moyen desquels il analyse les données apportées par les sens. Les informations que nous recevons en permanence ne nous permettent pas de saisir la réalité dans sa globalité : nous connaissons une partie de ce qui s’est passé, sans pouvoir en  maîtriser la totalité. Nous n’avons toujours qu’une connaissance partielle des choses. Si nous devons nous pencher sur un sujet en particulier, il nous faut de longues heures de recherche et d’étude pour connaître véritablement l’objet de nos recherches. Il suffit, pour s’en persuader, d’observer avec quel soin méticuleux les tribunaux rassemblent tous les éléments lors du procès d’un criminel, afin d’établir la culpabilité de celui-ci ; et même après ces recherches, ils ne sont pas forcément sûrs du bien fondé du jugement final. 

De même, pour la connaissance de Dieu et de ses œuvres, nous sommes incapables de l’acquérir comme les anges : nous devons étudier notre religion, entretenir nos connaissances. Et cette connaissance ne provoque pas nécessairement plus d’amour de Dieu, contrairement aux anges : Il nous est alors nécessaire de méditer ces connaissances religieuses, pour que de ce simple regard sur les vérités du Salut éclose un peu d’amour de Dieu. 

Lorsqu’il rédige les Statuts de la Fraternité Saint Pie X, Monseigneur Lefebvre demande aux aspirants de s’efforcer « de rendre à Notre Seigneur la place qui Lui revient dans leur âme, et dans toute leur personne. A cet effet, qu’ils remplissent leur intelligence de sa lumière par la lecture méditée de l’Évangile, des Pères, des auteurs spirituels. » 

La lecture spirituelle a donc pour but premier de nous rapprocher de Dieu, de remettre Dieu au centre de nos vies. 

Monseigneur Lefebvre demande aux membres de sa société de s’imbiber des Évangiles. C’est au contact des enseignements solides et des exemples de Notre Seigneur, que l’âme se forme à la piété et à la vertu, et trouve la force de suivre le Divin Maître. Notre-Seigneur demande de s’humilier, de porter sa croix, de supporter les injures, de répondre au mal par le bien… Tout cela Il l’enseigne, mais surtout Il le met en pratique de manière parfaite. Quel exemple puissant pour nous ! L’évangile doit donc être le premier aliment de la vie de piété, non seulement chez les membres de la Fraternité Saint Pie X, mais aussi chez tout chrétien en quête de Dieu. 

Le fondateur de la Fraternité conseille aussi la lecture des Pères de l’Église, et des auteurs spirituels. Choisissons pour cela des auteurs reconnus, fiables par leur doctrine, en n’hésitant pas à demander conseil, afin de ne pas perdre de temps à lire des ouvrages sans consistance, qui nous font oublier l’essentiel, parfois même qui pourraient nous induire en erreur. Lisons donc les écrits des saints : « Les confessions » de Saint Augustin, « l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales », les ouvrages de saint Alphonse de Liguori (« La bonne mort », « Les Gloires de Marie »). Les exemples sont nombreux, et pourtant, peut-être n’en lisons nous que rarement ! 

Découvrons aussi les ouvrages rapportant la vie des saints : souvent faciles à lire, ils présentent de puissants exemples que l’Église nous encourage à suivre. Evidemment nous ne pourrons les imiter dans toutes leurs actions, ni accomplir les mêmes miracles. Ce ne sont pas les miracles, mais bien les vertus que l’Église nous présente. 

Lisons encore les maîtres de vie spirituelle reconnus comme tels. A titre d’exemple, nous fêtons cette année le centenaire de la mort de Dom Marmion à Maredsous. Ses ouvrages sont remarquables quant à la précision de la doctrine, mais aussi et surtout quant à la profondeur de l’exposé des vérités. Le lecteur touche dans ses ouvrages la grande vie spirituelle de l’auteur. Lisez, et méditez pour commencer : « Le Christ dans ses mystères », ou bien un peu plus élevé : « Le Christ, Vie de l’âme ». Le père Garrigou-Lagrange est également un bon exemple de maître de vie intérieure : Dans « Les trois âges de la vie intérieure », il nous découvre les différentes étapes de la sanctification d’une âme, nous apporte un éclairage sur les mystères de l’aspiration de l’âme à la sainteté, et nous montre que cette sainteté est à notre portée. 

Il y aurait encore de nombreux exemples d’écrits susceptibles de nourrir notre intelligence en même temps que notre piété. Leur lecture sera d’autant plus profitable que l’auteur est plus uni à Dieu. Mais pourtant, de telles lectures pourraient ne pas nous être utiles, et même être nocives à notre sanctification, si nous n’y apportions pas de bonnes dispositions. 

Dans quel esprit faire sa lecture spirituelle ? 

  • Avoir un grand esprit de foi : L’auteur est l’instrument que Dieu a choisi pour nous toucher par sa grâce. Il faut donc écarter tout ce qui pourrait stériliser notre lecture. Attention à la curiosité, qui cherche plus à savoir qu’à s’édifier ! Attention aussi à la vanité qui peut nous pousser à lire pour la gloire de connaître. Pour éviter cela, il peut être profitable de toujours commencer la lecture par un signe de Croix et une petite prière. 
  • Avoir le désir sincère de se sanctifier : La lecture nous sera d’autant plus profitable, que nous l’aurons faite avec attention, cherchant à y trouver la nourriture de notre vie spirituelle. Voilà pourquoi il est profitable de lire lentement « vous arrêtant à considérer, ruminer, peser et goûter les vérités qui vous touchent le plus, afin de les imprimer dans votre esprit, et à en tirer actes et affections » (Saint Jean-Eudes). 
  • Avoir le désir de passer à l’action après avoir étudié les vertus à développer en nous : « Ce ne sont pas, en effet, ceux qui écoutent la Parole qui sont justes devant Dieu. Seuls ceux qui la mettent en pratique seront justifiés » (Saint Paul aux Romains, II, 13). Ne soyons pas des hommes vains, pleins de bonnes aspirations, mais incapables de fournir un effort persévérant pour les mettre en pratique ! 

La lecture ainsi faite est un véritable stimulant pour notre vie spirituelle. Si nous arrivons à l’accomplir dans ces conditions de manière régulière (par exemple 15 minutes par jour…), nous ne pourrons que progresser dans notre marche vers la perfection. Plus nous serons proches de Dieu, plus nous pourrons intuiter simplement les vérités divines, et plus nous ressemblerons aux anges ! Mais pour arriver à ce stade, il faut une longue pénétration des vérités divines par la méditation, à laquelle doivent nous porter les pieuses lectures. 

Pendant ce carême, ne nous prenons pas pour des anges, en voulant progresser dans la vertu d’un seul coup et sans effort, et que cela ne produise en nous qu’une apparence de vertu cachant un secret orgueil. Abaissons-nous plutôt à étudier et méditer les divines vérités, afin de mériter d’être élevés au niveau des anges, et de pouvoir ainsi chanter les louanges de Dieu avec eux au Paradis ! 

Abbé Vianney de Champeaux