Origines de la déclaration du 21 novembre 1974 de Mgr Lefebvre (2)
Consécration épiscopale de Mgr Marcel Lefebvre
La déclaration de Mgr Lefebvre du 21 novembre 1974 aura 50 ans dans quelques jours. A cette occasion notre site se penche sur les causes et les motifs, proches ou éloignés, qui peuvent expliquer la genèse de ce texte. Le premier article a montré la formation du séminariste à Rome. Ce deuxième article considère la vie missionnaire du prêtre puis de l’évêque en Afrique noire.
Après son ordination et l’obtention de son doctorat de théologie, l’abbé Marcel Lefebvre demande à son évêque la permission d’entrer chez les Pères du Saint-Esprit pour devenir missionnaire. Son frère René l’avait d’ailleurs déjà précédé dans cette congrégation religieuse, et après son noviciat, était parti pour le Gabon où il restera pendant quarante-cinq ans.
Comme c’était la coutume, l'évêque demandera au jeune prêtre de donner un an au diocèse. Il est alors nommé vicaire à la paroisse du Marais, à Lomme près de Lille. Cette année achevée, il entre au noviciat spiritain, situé à Orly, au sud de Paris. L’année canonique de noviciat accomplie et ses premiers vœux prononcés, il est envoyé au Gabon, comme son frère.
Mgr Bernard Tissier de Mallerais, dans sa biographie de Mgr Lefebvre, relève le motif qui semble avoir été le plus profond pour déterminer le jeune prêtre à se dévouer dans les pays de mission, tel que l'indiquent les carmélites de Sébikotane : « [Mgr Lefebvre] dit sa joie d’être missionnaire, car en France on ne se donne pas autant. » C'est le don entier à Dieu et aux âmes qui allait l’animer en Afrique.
Dès son arrivée au Gabon en 1932, le jeune spiritain était nommé professeur au séminaire de Libreville, puis directeur de l’établissement deux ans plus tard. Le jeune abbé Marcel sut donner un bel élan au séminaire Saint-Jean, et trois futurs évêques furent ses élèves. Mais en 1938, épuisé, il doit demander son changement. C’est alors qu’il part « en brousse » à Ndjolé.
Un an plus tard, il est nommé supérieur à la mission Sainte-Marie de Libreville, et six mois plus tard supérieur de la mission de Donguila où il restera trois ans, avant de devenir supérieur de la mission de Lambaréné pour deux années. C’est là qu’il reçut, en octobre 1945, sa nomination pour le scolasticat de Mortain, en France, une nouvelle, avouera-t-il, qui lui « déchira le cœur ».
Ce premier séjour africain, d’environ treize ans, a fait du jeune missionnaire un « broussard » expérimenté qui s’est fait apprécier dans tous les postes qu’il a occupés. Il lui a permis de se donner, parfois jusqu’à l’épuisement, mais aussi de se faire remarquer de ses supérieurs. Son expérience, jointe à sa formation romaine, est la bienvenue dans une maison de formation.
D’autant que la situation de l’abbaye Blanche, siège du scolasticat, était difficile : destructions liées à la guerre, retour des profès mobilisés après plusieurs années éprouvantes, parfois en captivité, embarras permanents pour le ravitaillement, et surtout nécessité d’assurer une formation solide dans des temps troublés. L’abbé Marcel Lefebvre assuma ces obligations pendant deux ans.
Vicaire apostolique de Dakar
Mais en juin 1947, une nouvelle inattendue allait le rendre à l’Afrique : il apprenait de Mgr Louis Le Hunsec, supérieur général des Spiritains, qu’il était nommé vicaire apostolique de Dakar. Cela comportait l’élévation à la dignité épiscopale : le vicaire apostolique exerce la juridiction au nom et par commission du pape, mais il a tous les pouvoirs d’un évêque diocésain.
L’élu fut sacré évêque à Tourcoing, le 18 septembre 1947, et prit comme devise épiscopale ce passage de la première épître de saint Jean : « Et nos credidimus caritati », qui illustrait sa confiance inébranlable dans la miséricorde de Dieu et du Christ Sauveur envers nous. Charité divine dont il avait vu les fruits durant ses années de mission, et qu’il verrait encore à l’œuvre au Sénégal.
Délégué apostolique
A peine le jeune évêque avait-il pu commencer sa tâche, qu’il était nommé délégué apostolique pour l’Afrique noire française et Madagascar, en septembre 1948 : marque de l’estime que lui portait déjà le pape Pie XII. Il reçut en même temps le titre d’archevêque, et devient le représentant du pape pour un territoire immense. Une charge où il s’efforcera de réaliser les intentions du Saint-Siège.
Il sera chargé de la création de nouveaux territoires ecclésiastiques (vicariats et préfectures), d’y proposer des évêques au Saint-Siège et, à partir de 1955, selon la suggestion qu’il avait lui-même faite au pape Pie XII, d’instaurer largement la hiérarchie ecclésiastique en Afrique noire, autrement dit de créer des diocèses et des archidiocèses.
Archevêque de Dakar
La même année, dans cet élan, le vicariat de Dakar est érigé en archidiocèse et Mgr Lefebvre en devient le premier archevêque, poste qu’il occupa jusqu’en 1962.
Il est impossible de retracer l’activité inlassable de l’évêque missionnaire, que son biographe montre fondant des écoles, des collèges, développant son séminaire, attirant les œuvres missionnaires, tant masculines que féminines, créant des paroisses, installant un carmel, développant les œuvres sociales…
Certes, nombre d’évêques ont mené un travail similaire. Mais chez Mgr Lefebvre, l’esprit missionnaire, allié à une profonde connaissance des réalités de l’Eglise dans des pays où la foi catholique gagnait sans cesse du terrain et où se fondait une chrétienté, a été le grand élan de son âme. Il a vécu littéralement l'instauration de la royauté du Christ, émerveillé de voir comment la charité de Dieu transformait les âmes.
Cet élan et cette confiance dans la charité de Dieu ne le quitteront jamais, et c’est pourquoi, devant l’auto-démolition de l’Eglise, il a fait front et s’est battu. Sa vie missionnaire a enraciné encore davantage en lui l’amour de l’Eglise et de Rome acquis au séminaire français. Un amour qui l’entraînera à continuer dans la Vieille Europe ce qu’il avait accompli pendant tant d’années en Afrique.
« C’est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la sainte Eglise catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures. »
(Source : Marcel Lefebvre, une vie – FSSPX.Actualités)
Illustration : Archives Ecône