Pakistan : Persécutions anti-chrétiennes
Asia Bibi (2009)
Emprisonnée depuis un an dans les geôles pakistanaises pour « blasphème à l’égard du prophète Mahomet », Asia Bibi, une chrétienne de 45 ans, a été condamnée à mort le 11 novembre dernier par le tribunal de Sheikhupura de la province du Penjab, située dans l’est du pays.
Bien que le gouverneur l’ait déclarée innocente, l’ensemble des magistrats l’a jugée coupable et a même menacé de faire grève si la décision n’était pas appliquée. Mais, face à la pression internationale, et notamment du pape, le président pakistanais Asif Ali Zardari a annoncé, le 21 novembre dernier, son intention de gracier et de faire libérer cette mère de 4 enfants, si la justice du pays le lui permettait. Or, celle-ci a refusé de valider cette décision, soutenant que le procès était encore en cours.
L’affaire remonte au mois de juin 2009. Alors qu’elle travaille dans les champs avec d’autres femmes, Asia Bibi est priée d’aller chercher de l’eau pour désaltérer le groupe. Mais les autres ouvrières, musulmanes, refusent de boire une eau « impure » apportée par une chrétienne. Les différentes versions des événements font état de menaces sur Asia Bibi pour qu’elle renonce à sa foi. Sans doute parce qu’elle a refusé, le mollah du quartier est allé voir la police qui a immédiatement ouvert une enquête et arrêté cette mère de famille en vertu de l´article 295 C du code pénal pakistanais. Cette loi « anti-blasphème » prévoit, en effet, la prison à perpétuité ou la peine de mort pour toute « insulte » envers « le prophète Mahomet ».
Le 17 novembre dernier, place Saint-Pierre, Benoît XVI avait demandé la libération de l’accusée. « Ces jours-ci, la communauté internationale suit avec beaucoup d´inquiétude la situation difficile des chrétiens au Pakistan, qui sont souvent victimes de violences et de discrimination », avait rappelé le pape. Il avait également affirmé être en pensée avec Asia Bibi et ses proches menacés de mort par le clergé musulman. Il avait enfin demandé que « sa pleine liberté lui soit rendue au plus vite ». Cet appel a été partiellement entendu puisque le président a tenté de gracier Asia Bibi et que celle-ci va pouvoir bénéficier d’un nouveau procès pour prouver son innocence. Mais même si l’accusée devait retrouver la liberté, il est probable qu’elle doive fuir le Pakistan avec toute sa famille.
Comme le signalait l’édition en ligne du Figaro, le 29 novembre dernier, si « la plupart des condamnations sont rejetées en appel, les coupables sont parfois lynchés par la foule ». Une alliance de musulmans sunnites du Pakistan (le Sunni Ittehad Council) a d’ores et déjà averti qu’une éventuelle grâce conduirait à déclencher l’anarchie dans le pays. « Notre position est très claire : elle ne peut pas échapper à ce châtiment », a insisté Sahibzada Fazal Kareem, le chef de Sunni Ittehad Council dans des propos rapportés par l’Agence France Presse, le 26 novembre.
Ces derniers mois, les violences antichrétiennes commises au nom de cette loi « anti-blasphème » se sont multipliées, en particulier dans la province du Penjab, la plus peuplée d’un pays qui compte environ 3 % de chrétiens.
L’assassin de la jeune Shazia Bashir acquitté
Parallèlement à l’affaire Asia Bibi, un autre procès vient de se dérouler au Pakistan. Naeem Chaudhry, un riche avocat musulman qui avait violé et tué une jeune chrétienne de 12 ans, Shazia Bashir (lire DICI n°210) a été acquitté le 30 novembre dernier par le tribunal de Lahore, dans la province du Penjab. Lui, sa femme et son fils étaient pourtant fortement soupçonnés d’avoir contraint la jeune fille à travailler comme domestique dans leur maison, la séquestrant et la violant avant qu’elle ne succombe aux coups qu’ils lui portaient quotidiennement.
Alors que cette affaire avait fait grand bruit et ému bon nombre d’organisations et de personnes au sein de la société civile pakistanaise, le tribunal a pourtant affirmé que Shazia « est décédée de mort naturelle à cause d´une maladie de la peau ». Selon l’agence Fides, le procès et les preuves ont été habilement manipulés afin de disculper ces grands bourgeois musulmans.
« Pour la famille de Shazia, la justice ne sera pas rendue. Ce n’est pas la première fois que, dans des cas de ce genre, les procès laissent impunis d’influents citoyens musulmans malgré les atrocités commises sur des chrétiens pauvres et sans défense », a commenté à Fides, le 27 novembre dernier, Nasir Saeed, responsable du Center for Legal Aid Assistance and Settlement, un centre qui offre l’assistance légale gratuite aux chrétiens du Pakistan et qui a son siège à Londres et à Lahore. Pour Peter Jacob, le secrétaire exécutif de la Commission « Justice et Paix » des évêques pakistanais, le verdict est « ignoble » et « démontre que certains personnages sont au-dessus de la loi ».
Cette décision semble d’autant plus injuste que; derrière le cas de Shazia Bashir; se cache un trafic de mineurs (lire DICI n°212). Les enfants sont arrachés à des familles pauvres, souvent chrétiennes, à qui l’on fait croire qu´on leur permettra d’accéder à une vie digne dans des ménages de la bourgeoisie. Ils sont ensuite vendus, devenant de « petits esclaves » à la merci de leurs patrons, perdant toute liberté.
(Sources : apic/fides/AFP/Le Figaro – DICI n° 227 du 18/12/10)
Mère et sœurs de Shazia