Radio-message de Pie XII au monde pour l’Année sainte 1950

En ce début d’Année sainte, il est éclairant de lire ce radio-message de Pie XII prononcé le 23 décembre 1949, à l’occasion de l’ouverture de l’Année sainte 1950. Il nous rappelle les véritables buts d’une Année jubilaire.
Jamais, peut-être comme en la veille de cet heureux événement qui ouvre l’Année jubilaire Notre cœur de Pasteur et de Père ne vous a sentis si étroitement proches de Nous, chers Fils et chères Filles du monde entier.
Il Nous semble voir et écouter, et Notre cœur ne nous trompe pas, la palpitation de millions et de millions de fidèles d’accord avec Nous, comme un concert immense de ferventes actions de grâces, d’ardents désirs, d’humbles supplications, au Père distributeur de tous biens, au Fils expiateur de toutes fautes, au Saint-Esprit dispensateur de toutes grâces.
Poussés par un profond désir de libération spirituelle, charmés par l’attirance des biens célestes, oublieux pour une heure brève des ennuis de la terre vous vous adressez à Nous et redites en quelque sorte, mais dans le bon sens, avec une intention droite, la prière qui fut jadis adressée au Rédempteur : « Donnez-nous un signe venant du ciel. »
Eh bien ! aujourd’hui vous saurez que « le Seigneur viendra et demain vous verrez sa gloire ». Le signe que vous attendez vous sera annoncé aujourd’hui ; le signe, ou plutôt le moyen de rémission et de sanctification vous sera donné demain même, au moment où, par Nos mains, la Porte mystique sera encore une fois enlevée, ouvrant l’entrée au plus grand temple de la chrétienté, symbole du Rédempteur Jésus à nous donné par Marie, afin que tous, incorporés en Lui, nous trouvions le salut : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par Moi, il sera sauvé ».
Le monde entier fixe en ces jours ses regards sur Rome et sur la papauté. Dans l’Eglise entière du Christ qui étend ses membres sur toutes les régions de la terre, en ces jours les regards se fixent sur Rome, sur le Siège apostolique, source intarissable de vérité, de salut, de bien. Nous savons combien d’espérances vous faites reposer en cette Année sainte.
Ferme est dans votre cœur la confiance que la Providence divine voudra opérer, en cette Année sainte et, par elle, les merveilles de sa miséricorde envers la famille humaine. Et Nous sommes soutenu dans cette espérance que l’Ange du Seigneur ne rencontrera pas d’obstacles sur son chemin, mais trouvera au contraire les routes aplanies, les cœurs ouverts par cette bonne volonté qui fait pencher le ciel vers la terre.
Nous-même, à qui la Providence divine a réservé le privilège de l’annoncer et de la donner au monde entier Nous pressentons son importance pour le prochain demi-siècle.
Les buts de l’Année sainte sont précisés
1) Année de renouveau spirituel :
Il Nous semble que l’Année sainte 1950 doit, avant tout, déterminer la rénovation religieuse du monde moderne, comme on l’entend ; qu’elle doit résoudre la crise spirituelle qui étreint les hommes de notre temps.
2) Année de restauration de l’équilibre entre les valeurs humaines et les valeurs divines :
L’harmonie désirée entre les valeurs célestes et terrestres, divines et humaines, obligation et devoir de notre génération, sera réalisée ou, du moins, sera hâtée si les fidèles du Christ demeurent fermes dans leurs résolutions, poursuivent avec ténacité les œuvres entreprises et ne se laissent pas séduire par de vaines utopies, ni détourner par des égoïsmes de partis.
3) Année de vie intense pour l’Eglise :
Elle doit pareillement déterminer l’avenir de l’Eglise, appliquée au dedans à rendre plus pure et à répandre davantage dans les peuples la sainteté de ses membres, tandis qu’elle s’efforce au dehors de faire passer et de diffuser son esprit de justice et d’amour jusque dans les institutions sociales.
4) L’Année sainte doit avoir une portée profonde pour la vie de l’humanité :
Animé de ces sentiments et de ces désirs, pénétré de la dignité d’une tradition qui remonte au temps de Notre prédécesseur Boniface VIII, en ouvrant demain, de trois coups de marteau, la Porte sainte, Nous avons conscience d’accomplir non un acte purement traditionnel, mais un rite symbolique de haute portée, non seulement pour les chrétiens, mais pour toute l’humanité. Nous voudrions que ce triple coup résonne au fond des âmes de tous ceux qui ont des oreilles pour entendre.
5) Durant cette Année les hommes doivent se sentir plus près de Dieu :
Année sainte : Année de Dieu ! De Dieu dont la majesté et la grandeur condamnent le péché ; de Dieu dont la bonté et la miséricorde offrent le pardon et la grâce à qui est disposé à les accueillir ; de Dieu qui, en cette Année sainte, veut s’approcher encore plus de l’homme et se tenir plus que jamais près de Lui.
Dans le monde contemporain, il y a des erreurs fondamentales à redresser
1) Il faut retrouver le sens du péché :
Combien font du péché une simple faiblesse et de la faiblesse jusqu’à une vertu ! « Assurément, écrivait déjà le païen Salluste, nous avons perdu le vrai sens des mots : la distribution des biens des autres s’appelle libéralité, l’audace de faire le mal s’appelle courage. ».
2) II faut mettre en pleine clarté les dictées de la conscience droite :
Transformant artificieusement le sens des paroles pour les questions les plus importantes de la vie publique et privée, beaucoup cachent ce que leur conscience ne veut pas éclaircir, ils justifient ce que l’intime de leur âme condamne, ils nient ce qu’ils devraient loyalement reconnaître.
3) II faut restaurer le sens de Dieu :
Combien mettent à la place du vrai Dieu leurs idoles, ou bien, tout en affirmant leur croyance en Dieu et la volonté de le servir, se font de lui une idée qui est le produit de leurs propres désirs, de leurs propres tendances, de leurs propres faiblesses. Dieu dans sa grandeur immense, dans sa sainteté immaculée, Dieu dont la bonté comprend si bien les cœurs qu’il a formés et dont la bienveillance est toujours prête à venir à leur secours, n’est pas connu correctement de beaucoup.
4) Il faut avoir l’esprit chrétien authentique :
C’est pourquoi tant d’hommes sont chrétiens par pure habitude, tant sont étourdis et insouciants, tant d’âmes, d’autre part, sont tourmentées sans espérance, comme si le christianisme n’était pas lui-même la Bonne Nouvelle. Fausses idées de Dieu, vaines créations d’esprits trop humains, que l’Année sainte doit dissiper et chasser des cœurs !
Ce que l’Année sainte ne devra pas être
La sympathie avec laquelle les peuples ont accueilli l’annonce de l’Année sainte, affermit la confiance que Nous avons mise en elle. Ce ne sera donc pas une fête bruyante, ni un prétexte à de pieuses distractions, ni même un vaniteux déploiement de forces catholiques au sens que le monde donne à ce mot, pour qui le succès consiste dans l’approbation momentanée des multitudes.
Mais au contraire l’Année sainte devra être caractérisée par un retour à l’exercice des vertus chrétiennes. L’Année sainte doit opérer plus sérieusement et plus profondément dans les âmes. Elle doit stimuler et promouvoir les vertus privées et publiques. Elle doit être et paraître plus intimement et franchement chrétienne. Elle devra correspondre à la volonté mystérieuse de Dieu. Elle devra se signaler comme l’Année du Grand Retour, l’Année du Grand Pardon, du moins dans la mesure où notre époque a été, même dans un passé récent, une époque d’apostasies et de fautes.
(Source : Actes de Pie XII/DICI n°452 – FSSPX.Actualités)
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