Vitraux contemporains à Notre-Dame : vers un combat juridique ?
Une des verrières de Viollet-le-Duc
Devant l’obstination du ministère de la Culture dans la réalisation de vitraux contemporains à Notre-Dame de Paris, qui remplaceraient les verrières réalisées par Eugène Viollet-le-Duc lors de la restauration de la vénérable cathédrale, la protestation des spécialistes et des amoureux de l’art, qui ne fait qu’enfler, risque bien de virer à l’affrontement dans un prétoire.
Lors des discussions préliminaires sur la restauration de Notre-Dame de Paris, sur le point de savoir si elle devait se faire « à l’identique », l’unanimité des milieux compétents – monuments historiques, architectes du patrimoine, historiens de l’art – avaient réclamé cette solution. Toutefois, le président Emmanuel Macron avait décidé la création de quelques vitraux contemporains en décembre 2023.
La décision porte sur le remplacement de six vitraux en grisaille du bas-côté sud, réalisés par Viollet-le-Duc lors de la restauration qui a suivi la Révolution. Ces verrières sont classées aux Monuments historiques, et, comme telles, sont normalement intouchables, à moins qu’elles ne soient partiellement détruites ou si vétustes qu’elles ne puissent être réparées. Ce qui n’est pas le cas.
Le 11 juillet dernier, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, qui avait été consultée sur la question, a rendu son verdict : les vingt-six experts ont rejeté cette création et ce remplacement à l’unanimité. Ils s’appuyaient en particulier sur la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, dite Charte de Venise, de 1965.
« Le retrait d’une œuvre d’art protégée au titre des monuments historiques ne peut être justifié que par son mauvais état, qui entraînerait sa mise en danger, expliquait Alexandre Gady. Il est donc absolument contraire à toutes les règles de conservation de s’y attaquer », expliquait l’historien de l’art dans La Croix. Mais la Commission du patrimoine ne pouvait donner qu’un avis consultatif.
Le ministère de la culture poursuit son plan
Malgré ce rejet et les nombreuses protestations, le ministère de la culture a poursuivi le projet du président Macron et de l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich : « dans un communiqué, il a rendu publique le 4 septembre la liste des huit finalistes sélectionnés qui devront rendre leur projet définitif d’ici au 4 novembre », cite La Croix.
Le journal précise que « le lauréat, qui sera choisi par l’archevêque de Paris et le président de la République pourrait être annoncé au moment de la réouverture de la cathédrale, le 8 décembre prochain ». Les huit finalistes sont : Jean-Michel Alberola, Yan Pei-Ming, Gérard Traquandi, Daniel Buren, Philippe Parreno, Claire Tabouret, Christine Safa et Flavie Vincent-Petit.
Une association monte au créneau judiciaire
L’association Sites et Monuments « sur le front du patrimoine depuis 1901 » précise son site, a pour objectifs et missions de « défendre le patrimoine naturel et bâti ». Elle se glorifie d’être la « plus ancienne association française de défense du patrimoine, reconnue d’utilité publique depuis 1936 et agréée au niveau national pour la protection de l’environnement depuis 1978 ».
Sur le site, parmi les « dossiers », une page est consacrée à l’affaire des vitraux de Viollet-le-Duc, et indique que l’association se prépare « à mener le combat judiciaire ». La Croix précise que l’association attaquera « la demande d’autorisation de travaux qui devra être déposée auprès du préfet de région pour réaliser ce chantier ».
Le journal cite Julien Lacaze, président de l’association : « Les vitraux en grisaille de Viollet-le-Duc sont classés aux Monuments historiques et ne peuvent donc être retirés pour faire place à des œuvres contemporaines. » Il insiste : « Il faut arrêter le détricotage de l’œuvre de Viollet-le-Duc et revenir à la cohérence qu’il avait voulue en réintégrant aussi des éléments retirés bien avant l’incendie comme la couronne de lumière ou la grille du chœur », retirés par le clergé…
Un article de La Tribune de l’Art de 2021 décrit les ravages intérieurs subis par le riche mobilier de la cathédrale provenant de la restauration de Viollet-le-Duc, de la part d’un clergé moderniste et iconoclaste, ravages soulignés par un titre très explicite : « La liturgie, prétexte à une nouvelle dénaturation de Notre-Dame ». Il contient des représentations des éléments ainsi éliminés.
Le retour des cloches de la tour nord
Le retour de la grande voix de Notre-Dame de Paris
Pour achever sur une note plus joyeuse, il faut relater que la cathédrale de Paris a vu le retour des huit cloches de sa tour nord après un séjour en Normandie : Gabriel, Anne-Geneviève, Denis, Marcel, Etienne, Benoît-Joseph, Maurice et Jean-Marie. Comme toutes les cloches, elles ont été baptisées – la consécration des cloches est appelée un « baptême » — et portent donc un prénom.
Le site Notre-Dame de Paris explique que Gabriel rend hommage à l’archange de l’Annonciation, Anne-Geneviève à sainte Anne, mère de la Vierge Marie, et à sainte Geneviève, patronne de Paris ; Denis se réfère au 1er évêque de la capitale, et Marcel au neuvième ; Etienne rappelle l’ancienne cathédrale qui avait ce patron et Benoît-Joseph, le pape Benoît XVI ; Maurice est pour Maurice de Sully, qui a posé la première en 1163 ; enfin, Jean-Marie est pour le cardinal Lustiger.
Pesant entre 750 kilos pour Jean-Marie et 4 tonnes pour Gabriel, « elles avaient été retirées après l’incendie pour être révisées dans la fonderie Cornille Havard » sise à Villedieu-les-Poêles, haut-lieu de la fabrication de cloches en Normandie, rapporte RTL. Elles ont été bénies pour leur retour et seront remises en place dans les semaines qui viennent.
(Sources : La Croix/Sites et Monuments/La Tribune de l’Art/Notre Dame de Paris/RTL – FSSPX.Actualités)
Illustration 1 : Association Sites et Monuments
Illustration 2 : Liam Hoarau/Diocèse de Paris, sur X