N°166 - SOMMAIRE
- Editorial
- Vie spirituelle : La dévotion au Sacré-Cœur
- Dossier : De la propreté requise à la maison de Dieu
- Histoire : Saint Aubain, martyr de la foi et patron du diocèse de Namur
- Pédagogie : L’obéissance
- Vie du prieuré - chronique - dates à retenir - carnets paroissiaux
«Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Math, V, 48) »
Editorial
Nous sommes des êtres passionnés. Composés d’un corps et d’une âme, d’une partie sensible et d’une partie spirituelle, nous sommes en effet des êtres soumis aux passions c’est-à-dire, enseigne saint Thomas, aux mouvements affectifs de notre partie sensible.
Ces passions sont complexes dans la mesure où il y a, dans chaque passion, un mouvement de l’appétit qui est l’élément formel et un trouble corporel qui est l’élément matériel. Ces deux éléments sont inséparables et composent la réalité totale de toute passion. Lisons le Docteur Angélique : « Il faut remarquer que, dans toutes les passions de l’âme, la modification corporelle, qui est l’élément matériel, est conforme et proportionnée au mouvement de l’appétit, qui constitue, lui, l’élément formel : comme, en toutes choses, la matière est proportionnée à la forme. » (I-II, q. 37, a. 4, c.)
Au fondement de la passion, il y a une certaine connaissance au moins sensible d’un bien espéré ou acquis ou d’un mal contraire à ce bien ; c’est de cette connaissance que jaillissent les mouvements de l’appétit sensitif. La passion se définit donc comme un mouvement de l’appétit sensible qui naît de l’appréhension d’un bien ou d’un mal sensible, accompagnée d’un certain trouble corporel.
On compte onze passions. Six relèvent du concupiscible ou de l’ensemble des appétits sensibles qui nous poussent vers un bien ou nous détournent d’un mal : l’amour, le désir, la joie, la haine, la fuite, la tristesse. Cinq relèvent de l’irascible ou de l’ensemble des appétits sensibles qui nous indiquent qu’un bien va être difficile à obtenir ou qu’un mal va être difficile à éviter : l’espoir, l’audace, le désespoir, la crainte et la colère.
Ces passions sont-elles mauvaises en soi ? Pèche-t-on pour chaque mouvement commandé par une passion ? Il semble que non. Cela vaudrait en effet dire que Notre-Seigneur a péché lorsqu’Il chassa les vendeurs du temple, lorsqu’Il ressentit une grande crainte à l’approche de sa Passion, lorsqu’Il pleura la mort de son ami Lazare. Or, nous savons que Notre Seigneur est infiniment saint et qu’en Lui, il ne peut y avoir la moindre trace de péché. Les passions sont-elles toujours bonnes ? Malheureusement, le péché originel et ses blessures ont déréglé nos passions et ont ainsi une forte tendance à l’excès. En digne héritier des aristotéliciens, saint Thomas enseigne alors que les passions deviennent peccamineuses dans la mesure où elles s’éloignent de l’ordre rationnel, et sont vertueuses dans la mesure où elles s’y soumettent. Toute la vie spirituelle consiste ainsi à former les passions et non à les étouffer. Autrement dit, il faut chercher à avoir un pouvoir politique sur elles par l’exercice des vertus de force et de tempérance.
Il y a cependant certaines circonstances qui nécessitent d’activer nos passions pour acquérir la sainteté car sinon, sans elles, cette quête serait impossible. Le désir du Ciel, la haine du péché, la crainte de Dieu ou encore la joie d’accomplir le bien n’existeraient pas sans les passions. Les passions amplifient nos bonnes actions ou contribuent à affiner notre jugement.
Comment exercer un bon usage des passions ? Nous connaissons cet adage : ce sont les idées qui mènent le monde. Chaque catholique doit avoir un grand idéal de sainteté pour que celui-ci le mène à la conformité parfaite à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Chaque catholique doit être ambitieux dans le chemin de la perfection. C’est cet idéal qui fixe notre intention dans chacune de nos actions. Dans la mesure où nous avons donc un idéal tel que nous le propose Notre-Seigneur Jésus-Christ « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Math, V-48), les passions vous nous aider à l’atteindre. Elles vont nous donner l’énergie pour y parvenir en sautant les obstacles et en persévérant dans la poursuite du bien. L’exercice des vertus théologales de la Foi, de l’Espérance et de la Charité sera ainsi facilité par l’activité des passions. Ne croyons pas que ses passions font du bruit. L’âme passionnée est au contraire discrète, humble et modeste dans sa quête. La Très Sainte Vierge Marie est passionnée : en elles, les passions étaient commandées par la Charité et ordonnaient continuellement vers la gloire de Dieu. Les martyrs sont passionnés : ils sont morts par amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Qu’en est-il de nous ? Sommes-nous passionnés ? Un peu trop endormis ?
Le siècle présent a besoin d’âmes passionnées. Que l’exemple des apôtres Pierre et Paul que nous fêterons à la fin du mois de juin enflamme notre âme d’amour de Dieu ! Qu’ils fassent de nous des âmes passionnées, mues par une véritable charité missionnaire !
Et que saint Joseph vous bénisse !
Abbé Michel Poinsinet de Sivry
Supérieur du District de Benelux