N° 157 - SOMMAIRE
- Editorial
- Vie spirituelle : Le repos religieux
- Dossier : Petit catéchisme de la communion dans la main
- Histoire : Soeur Marie-Amandine (1872-1900) : martyre de Tai-Yuan-Fou, Chine
- Pédagogie : Vivent les vacances !
- Vie du prieuré - chronique - dates à retenir - carnet paroissial
« Un saint triste est un triste saint »
Éditorial
Nous n’avons pas forcément l’habitude de joindre à la notion de combat spirituel celle de détente et de repos. Pour les uns en effet, la sainteté est synonyme de gravité dans le sens d’une fuite de toute activité ludique. Pascal, dans ses Pensées, dénonce ainsi le divertissement comme une fuite de la contemplation des fins dernières. Selon lui, le divertissement est une diversion. Il est une occupation permanente qui échappe au sentiment de néant que l’âme devrait avoir devant les questions existentielles.
Pour d’autres, le divertissement est un relâchement c’est-à-dire qu’il occasionne sans cesse des péchés d’omission. Se divertir empêcherait ainsi de prier, de convertir ou d’enseigner.
Qu’en est-il vraiment ?
Remontons aux principes : l’homme est composé d’une âme et d’un corps. Ainsi, de même qu’un corps fatigué a besoin de repos, de même les facultés de l’âme (intelligence et volonté) ont besoin de se détendre. Lisons saint Thomas d’Aquin : « [...] l’âme, même intellectuelle, se sert de facultés qui agissent par les organes du corps. Or il s’agit de biens sensibles qui sont connaturels à l’homme.
C’est pourquoi, quand l’âme s’élève au-dessus des réalités sensibles pour s’appliquer aux oeuvres de la raison, il en résulte une fatigue psychique [...] » (IIa, IIae, Q168, a2). Et le Docteur Angélique poursuit : « Le repos de l’âme, c’est le plaisir [...]. C’est pourquoi il faut remédier à la fatigue de l’âme en s’accordant quelque plaisir, qui interrompe l’effort de la raison. Dans les Conférences des Pères on peut lire que S. Jean l’Évangéliste, comme certains s’étaient scandalisés de l’avoir trouvé en train de jouer avec ses disciples, demanda à l’un d’eux qui portait un arc de tirer une flèche. Lorsque celui-ci l’eut fait plusieurs fois, il lui demanda s’il pourrait continuer toujours. Le tireur répondit que, s’il continuait toujours, l’arc se briserait. S. Jean fit alors remarquer que, de même, l’esprit de l’homme se briserait s’il ne se relâchait jamais de son application. Ces paroles et actions, où l’on ne recherche que le plaisir de l’âme, s’appellent divertissements ou récréations. Il est donc nécessaire d’en user de temps en temps, comme moyens de donner à l’âme un certain repos. »
Le Docteur Angélique en appelle donc à la vertu d’eutrapélie ou l’habitude de la bonne mesure dans les jeux et le divertissement. Saint Thomas la rattache à la vertu de modestie. De fait, de nombreux saints pratiquaient l’eutrapélie car, dit saint François de Sales : « un saint triste est un triste saint ». Saint Thomas ajoute que « ceux qui refusent le jeu “ne disent jamais de drôleries et rebutent ceux qui en disent”, parce qu’ils n’acceptent pas les jeux modérés des autres. C’est pourquoi ceux-là sont vicieux, et on les appelle “pénibles et mal élevés” selon Aristote.
Néanmoins, pour répondre à la définition d’une vertu, le divertissement doit répondre à des règles précises : ne pas le mettre dans des actes ou des paroles honteuses ou nocives. Cicéron en propose une liste : les plaisanteries grossières, insolentes, déshonorantes et obscènes. Que le divertissement ne soit jamais confondu avec l’ironie dans la mesure où ce dernier blesse fréquemment la charité, la justice et la paix sociale. Qu’il soit convenant vis-à-vis des personnes, du lieu et du temps. Qu’il ait finalement pour principe et pour fin la vertu de Charité.
Le divertissement est pour l’âme et pour le corps un repos c’est-à-dire une détente saine et raisonnable grâce à laquelle nous sommes disposés à mieux servir Dieu. Notre Seigneur lui-même, plein de délicatesse, le souhaite pour ses apôtres lorsqu’Il les accueille ainsi à leur retour de mission : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » (Mc 6:31).
Profitons donc de nos vacances pour exercer cette vertu et l’apprendre à nos enfants en n’oubliant pas de garder nos habitudes de prières et de réception des sacrements.
Nous serons alors bien disposés à servir Notre-Seigneur et la Sainte Église dès la rentrée !
Que saint Joseph vous bénisse !
Abbé Michel Poinsinet de Sivry
Supérieur du District de Benelux