
N°170 - SOMMAIRE
- Editorial
- Vie spirituelle : Noël et les bergers
- Mgr Bernard Tissier de Mallerais : courte biographie
- Histoire : Un chanoine dans la forêt de Soignes : la vie de l’Admirable Jean (1293-1381)
- Pédagogie : Le jeu
- Vie du prieuré - Chronique - Dates à retenir - Carnets paroissiaux
« Il faut un esprit surnaturel et une vraie confiance en Dieu pour accepter les grâces et les croix au temps où elles arrivent et comme elles arrivent »
Editorial
Noël est la fête de l’espérance. Elle scelle l’accomplissement de la promesse de Dieu à nos premiers parents. Après la chute originelle et ses conséquences, Dieu promet en effet un Sauveur pour nous libérer de l’esclavage de Satan et du péché. Et précisément, après deux mille ans d’attente, ce sauveur naît à Bethléem de Judée.
Cependant, saint Thomas d’Aquin, dans sa Somme Théologique, se demande si Notre Seigneur Jésus-Christ est réellement apparu au temps le plus opportun. En effet, le contexte paraît difficile pour sa mission rédemptrice : le roi Hérode est un usurpateur, le royaume de Judas est sous la domination et l’occupation de la puissance romaine et la foi s’est considérablement attiédie parmi le peuple. Avouons que ce ne sont pas les conditions les plus favorables pour transmettre la vérité de l’évangile et la répandre dans le monde entier. C’est pourtant à ce moment que le Verbe s’incarne. Les voies de Dieu ne sont pas nos voies. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre.
Combien de fois l’avons-nous peut-être déjà expérimenté ! Jésus-Christ ne nous semble jamais arriver au bon moment : une croix inattendue, un sacrifice à offrir, une grâce qui parait décalée. Pourquoi ce réflexe de la nature ? Parce que notre vision est humaine et nous n’y pouvons rien. Nous vivons dans le temps matériel qui ne nous permet pas de nous projeter assurément dans l’avenir et dans l’éternité. Il faut un esprit surnaturel et une vraie confiance en Dieu pour accepter les grâces et les croix au temps où elles arrivent et comme elles arrivent. La foi nous enseigne qu’il est certain que Dieu agit toujours au bon moment, ce qui fait dire à saint Paul qu’il est prêt à espérer contre toute espérance.
Saint Thomas montre alors que Jésus-Christ est apparu sur la terre au moment le plus favorable. Tout d’abord, il s’incarne au temps de la « Pax Romana ». L’empereur Auguste règne en effet dans un empire en paix. Saint Thomas cite saint Jérôme : « Déroulons l'histoire ancienne : nous y trouvons que la discorde a régné dans le monde entier jusqu'à la vingt-huitième année de César Auguste ; mais à la naissance du Seigneur, toutes les guerres cessèrent ». Le prophète Isaïe avait d’ailleurs annoncé que le Sauveur serait le Prince de la Paix, c’est-à-dire celui par lequel l’ordre et l’harmonie seront restaurés. Il apportera la réconciliation de Dieu avec son peuple et cette nouvelle alliance sera scellée par son sang. Cette paix temporelle n’est que l’annonce de la paix définitive apportée par notre Sauveur, paix sans aucun trouble dans l’éternité du Ciel. Ajoutons également que le temps est opportun car cette paix permettra bientôt à l’évangile de se répandre facilement dans tout l’empire.
Notre Seigneur Jésus-Christ est né au cours du règne d’Hérode, roi de Judée. Or, ce roi n’est pas descendant de David mais un usurpateur mis sur le trône par la puissance romaine. Notre Seigneur accomplit ainsi les Écritures. Nous lisons en effet dans la Genèse : « Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda, ni le chef ne s'éloignera de sa race, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé » (Gen, XLIX, 10). Jésus-Christ accomplit donc cette prophétie pour témoigner qu’il est bien le Sauveur. Saint Jean Chrysostome ajoute que le Verbe est né au temps d’un usurpateur pour annoncer que ce mal souverain appelle un médecin souverain et habile qui n’est autre que Lui-même.
Enfin, se questionne saint Thomas, pourquoi le Verbe apparaît-il au plus profond de l’hiver, quand les jours sont sombres et courts ? C’est tout simplement pour annoncer qu’il est la Lumière du monde, celui qui illumine par sa sagesse et par sa grâce toute âme de bonne volonté. Il vient ainsi au moment où la lumière du jour commence à croître.
Le Verbe incarné est donc né au temps le plus favorable tant la Providence gouverne toujours avec une sagesse et une bonté infinies. La fête de la Nativité du Christ nous le rappelle. Il faut sans cesse garder cette ferme espérance dans notre âme : Dieu intervient toujours au moment le plus favorable dans notre vie, malgré des apparences qui, parfois, ne le montrent pas immédiatement. Noël est une fête de paix et d’abandon à la Providence de Dieu. Elle met nous nos yeux le parfait exemple de saint Joseph et de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, qui se laissent guider par la main de Dieu avec une grande confiance et une grande paix dans leur cœur. C’est la force des saints : savoir garder la sérénité au milieu du bruit et des tourments de ce monde. Elle est le garant de l’exercice de notre liberté qu’un enfant de Dieu devrait toujours avoir soin de conserver. La vraie liberté est une conquête permanente. La grâce de cet Enfant-Dieu nous la redonne. Sachons toujours la garder contre l’empire des ténèbres et l’esprit du monde. Elle est l’annonce du bonheur qui attend les enfants de Dieu au Ciel.
Que saint Joseph vous bénisse !
Abbé Michel Poinsinet de Sivry
Supérieur du District de Benelux