Le 11 avril dernier, le pape François annonçait par la bulle Misericordiae Vultus, un jubilé de la Miséricorde, débutant le 8 décembre prochain. Il y déclarait que nous devions tout particulièrement à notre époque, « fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. Il expliquait ensuite pourquoi il avait choisi la date du 8 décembre 2015. S’il rappelle que le 8 décembre est la fête de l’Immaculée Conception, il n’y voit pas la raison principale de son choix, mais uniquement un exemple de la façon dont Dieu agit envers les hommes. En effet, la raison essentielle de ce jubilé, il la donne un peu plus bas : « J’ai choisi la date du 8 décembre pour la signification qu’elle revêt dans l’histoire récente de l’Eglise. Ainsi, j’ouvrirai la Porte Sainte pour le cinquantième anniversaire de la conclusion du Concile œcuménique Vatican II ».
Rappelons ce qu’il avait déjà dit au sujet de cet anniversaire du concile, le 16 avril 2013, quelques mois après son élection au Souverain Pontificat : « après 50 ans, avons-nous fait tout ce que nous dit l’Esprit Saint dans le concile, dans cette continuité dans la croissance de l’Eglise qu’a été le concile ? Nous fêtons cet anniversaire en érigeant une sorte de monument au concile mais nous nous inquiétons surtout qu’ils ne nous dérangent pas. Nous ne voulons pas changer. Il y a plus : certaines voix veulent revenir en arrière. Cela s’appelle être des nuques raides, cela s’appelle vouloir domestiquer l’Esprit Saint, cela s’appelle être des cœurs lents et sans intelligence ». Dans la suite de la Bulle annonçant le jubilé, le Pape François cite ses deux prédécesseurs impliqués dans le concile : Jean XXIII et Paul VI. Pour Jean XXIII, il rappelle l’intention de ce dernier, qui préférait « recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité ». Puis il cite le célèbre discours de clôture du concile prononcé par Paul VI où celui-ci disait qu’un « courant d’affection et d’admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne ». Ce qui aurait été sans doute plus éclairant ce sont les quelques phrases précédentes de ce discours : « la religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l’a envahi tout entier. La découverte et l’étude des besoins humains ont absorbé l’attention de notre Synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »
Les causes de ce jubilé, exprimées par le Pape François, suffise à ne pas nous réjouir de cet évènement. Comme le rappelait si bien M. l’abbé Petrucci, supérieur du district d’Italie : « un Jubilé, comme le mot l’indique, est l’occasion de se réjouir pour un anniversaire important dans l’Eglise. En l’an 2000, la Fraternité avait participé massivement à l’évènement indicté en mémoire de la Rédemption. Or, dans la Bulle d'indiction du prochain Jubilé, le Pape affirme explicitement que son but sera de célébrer le Concile Vatican II, à cinquante ans de sa clôture. Je crois réellement qu’il sera impossible de se réjouir de cet évènement dont Monseigneur Lefebvre com- parait la gravité à une troisième guerre mondiale. » Mais en outre, le Pape, dans cette bulle, donne une image faussée de la Miséricorde divine. Il l’a défini comme « l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre ». Mais cette définition est grandement fautive. Elle rejoint d’ailleurs dans la fausseté la définition de la Charité qui consiste, selon lui, à aller vers les autres et à accepter la visite de « l’autre », que cet autre soit Jésus-Christ ou un homme.
Pour ce qui concerne la Miséricorde, nous devons noter que nulle part le Pape François ne rappelle que cette miséricorde exige une contrepartie du côté de la créature : c’est la misère dans laquelle se trouve celui sur qui s’exerce la miséricorde divine, et donc la nécessité pour lui de reconnaitre sa misère. Ou s’il en parle, ce sont en des termes généraux. Le Pape donne l’impression de pas vouloir parler des péchés personnels qui sont pourtant la cause de l’exercice de la miséricorde divine sur telle âme particulière ; peut-être parce qu’il ne veut pas se permettre de juger..., comme il le déclarait au sujet des homosexuels. Au contraire, comme l’écrivait si bien saint François de Sales, « entre la miséricorde et la misère, il y a une certaine liaison si grande, que l’une ne peut s’exercer sans l’autre. Les fautes et les infidélités que nous commettons tous les jours, doivent nous apporter de la honte et de la confusion, lorsque nous voulons approcher de Notre-Seigneur. Aussi est-il bien raisonnable qu’ayant offensé Dieu, nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus ; mais il ne faut pas demeurer là : car ces vertus d’humilité, d’abjection et de confusion, sont des vertus par lesquelles nous devons monter à l’union de notre âme avec son Dieu ».
Dans tout le texte de cette Bulle, apparait ce que le Pape François appelle miséricorde : le mouvement vers l’autre, que ce soit le mouvement de Dieu vers les hommes et du croyant vers les autres. Mais la miséricorde est-elle cela ? C’est ce à quoi nous allons essayer de répondre dans le dossier de ce numéro du « Pour Qu’Il Règne »
Abbé Thierry Legrand
Supérieur du district de Belgique – Pays-Bas