Synode sur l'Amazonie et 50 ans du Novus Ordo Missae (1969-2019)

N° 138 - SOMMAIRE : Le Synode ouvre une porte à l'ordination d'hommes mariés. A quoi sert le Synode des Evêques. Le traditionalisme catholique, un mouvement prophétique. L'Offertoire à la lumière des rits apostoliques d'Orient. Retraite avec St Jean : la Sainte Eglise. Catéchisme de St Pie X : Je crois à la résurrection de la chair. Mgr Lefebvre : la messe programme de vie. Nouvelles de l'Eglise et du monde. Chronique du Prieuré.

Après cinquante ans de Nouvel-Ordo-Missae

L’échec de la réforme liturgique post-conciliaire voulue pour renouveler l’Eglise, est statistiquement établi1 : chute de la pratique des fidèles, renonciation des prêtres, abandon massif de la vie religieuse, tarissement des vocations, dévastation des sacristies et aliénation des bâtiments. Cet échec a aussi produit ses effets - peut-être moins spectaculaires - dans l’hémisphère sud où, l’inculturation, même païenne, a infesté le sanctuaire. L’euphorie conciliaire, longtemps entretenue, a masqué, aux clercs les mieux intentionnés, les vices structurels de la réforme. Il s’est établi, hélas, une interaction désastreuse entre la révolution culturelle dans la société moderne2 et cette malheureuse réforme dans l’Eglise. Les réformateurs voulaient exprimer liturgiquement l’oecuménisme de dialogue et d’enrichissement mutuel avec les Protestants. Cette erreur a structuré la réforme liturgique et son Nouvel Ordo Missae dont les effets font encore progresser, aujourd’hui, le désert religieux ; pour preuve, les regroupements paroissiaux. Certains évêques réfléchissent à organiser l’apostolat à l’échelle de la province ecclésiastique3 ; prélude aux regroupements de diocèses ? De nombreux clercs et laïcs ont analysé les causes et les effets du désastre. Monseigneur Lefebvre a tenu une place déterminante au service d’une saine réaction.

Mais, là où le sacré, l’adoration, le recueillement, le silence et l’ordre sont restaurés dans la liturgie, la vie de foi et de piété des fidèles reprend vigueur. C’est d’autant plus patent, quand la liturgie tridentine - trésor multiséculaire de l’Eglise - est exclusivement pratiquée. Ce rite tridentin4 exprime, de manière excellente et sans équivoque, que la messe est d’abord sacrifice d’expiation et de propitiation pour les péchés des hommes. La fonction du sacerdoce ministériel du prêtre y est irréductible parce qu’il agit « in persona Christi », accomplissant réellement l’action efficace du sacrifice du Jésus-Christ et non pas la narration commémorative de la dernière cène. La participation des fidèles y reste subordonnée à l’action du prêtre.

Dans le Nouvel Ordo, certains redressements sont opérés, encore mineurs en proportion des ruines accumulées mais d’importance, individuellement considérés : rectification de la traduction du « pro multis » en 20065 , élargissement mesuré de la messe tridentine en 20076 , amélioration des traductions du Pater Noster en 2017 et du Credo en 2019. Ces efforts - au demeurant louables - s’inscrivent-ils dans une tentative de sauver la réforme liturgique ? Il faudrait alors aller plus loin : sacraliser ce rite et le purifier de son œcuménisme, y définir la messe en conformité au Concile de Trente7 ; reprendre des prières d’Offertoire significatives du sacrifice propitiatoire. Ne serait-ce pas renoncer à l’intention-même de la Réforme?

La Providence pourvoira à cette nécessaire restauration du culte divin, l’Histoire nous l’apprendra. Monseigneur Lefebvre, avec grande lucidité dès la fin des années soixante-dix, entrevoyait la liberté complète rendue à la messe tridentine : « Je vous assure, que ce serait, pour l’Eglise, une chose extraordinaire parce que c’est la Tradition qui reprendrait le dessus, dans l’Eglise. On n’a pas le droit de manquer une chance comme celle-là... Cela changerait immédiatement et énormément toute la situation des fidèles et de l’Eglise ; ce serait considérable, on ne peut pas considérer cela comme négligeable, en pensant à toutes les âmes qui se sauveront »8 .

Abbé Patrick Duverger, Supérieur de District.

  • 1Cf. Comment notre monde a cessé d’être chrétien - Guillaume Cuchet - Le Seuil - 2018
  • 2Cf. PQR 137- décembre 2017 - page 9 et 10, sur la révolution de 1968.
  • 3Lettre des cinq évêques de la province de Poitiers - 10 avril 2017
  • 4Appelé « rite extraordinaire » par Benoît XVI en 2007 pour le distinguer du Nouvel Ordo appelé « rite ordinaire ». Selon le Dictionnaire Encyclopédique Larousse (édition 1963) « Ordinaire » signifie ce dont on se sert habituellement et aussi, ce qui est banal et médiocre.
  • 5Lettre du Cardinal Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin, 17 octobre 2006 aux Evêques.https://fsspx.news/fr/ news-events/news/un-document-capital-la-lettre-du-cardinal-arinze-sur-la-traduction-du-pro-multis
  • 6Motu proprio « Summorumpontificum » du Pape Benoit XVI, le 7 juillet 2007
  • 7L’article 7 de l’Institutio generalis, en tête du Nouvel Ordo, laisse une définition équivoque de la messe, une définition de compromis.
  • 8Aux séminaristes, le 19 janvier 1979. Déjà les effets du Nouvel Ordo étaient douloureusement constatés.