Fête-Dieu à Anvers
Sermon de M. l'abbé Louis Bochkoltz à l'occasion de la solennité de la Fête-Dieu à Anvers le 13/06/2021
Bien chers fidèles,
Nous vivons en temps de pandémie. La maladie est contagieuse. Très contagieuse ! Mais aussi dangereuse. Très dangereuse !
Je ne parle pas du coronavirus, on le connait trop bien. Mais d’une autre pandémie, une pandémie sociale, intellectuelle et religieuse. Une pandémie qui touche nos vies, nos intelligences et nos cœurs. Et pourtant, cette maladie ne fait pas la une des journaux ni le sujet de beaucoup de sermons dans les églises.
Platon rêvait et écrivait : « Si l’on pouvait former une armée, ou une cité composée exclusivement de gens qui eussent les uns pour les autres de l’amour, rien ne saurait exprimer combien leur administration serait excellente, tous s’efforçant de fuir les vices et de rivaliser d’ardeur pour le bien. Et de tels hommes, encore que peu nombreux, seraient assez forts pour vaincre tout le genre humain ».
Pour Platon c’était un rêve. Jésus-Christ l’a réalisé. Jésus-Christ a réuni une armée de douze apôtres et de septante-deux disciples. Ceux-ci n’avaient pour eux ni science, ni argent, ni aucun moyens. Mais ils s’aimaient les uns les autres. Et ils ont conquis le monde. Partout où ils sont passés, ils ont renversé les idoles et contraint les rois de la terre à adorer la Croix du Christ.
Jésus-Christ a fondé une cité qui s’appelle l’Eglise. Cette cité n’a point de murailles pour la protéger, point de soldats pour la défendre. Les puissances de l’enfer et celles de la terre, jalouses de sa gloire, se sont acharnées contre elle. Mais elle demeure. Malgré les maladies qui frappent notre temps et l’Eglise aussi : l’athéisme, le scepticisme et la dureté de cœur.
C’est là la pandémie la plus grave. Celle qui tue les âmes. Et la société.
Mais il existe un remède. Un seul remède. Contre ces trois maladies. C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est le Christ-Roi !
Roi du monde contre l’athéisme.
Roi de intelligences contre le scepticisme.
Roi des cœurs contre la dureté et l’égoïsme et nos cœurs.
Bien chers fidèles, si nous faisons cette procession aujourd’hui, ici, à Anvers, en 2021, en portant Notre-Seigneur Jésus-Christ réellement présent dans la Sainte Hostie et entouré de toute cette solennité, c’est d’abord pour adorer notre Dieu.
Et ensuite nous faisons cette procession pour rendre témoignage de notre foi. Seigneur, guérissez nos âmes. Faites-nous comprendre comment vous êtes le Roi de nos vies. Le Roi de nos intelligences et le Roi de nos cœurs. C’est pour cela que nous venons prier, en procession, publiquement.
Notre siècle qui se croit un siècle de lumière et de progrès a édifié une science, une philosophie, une morale, une politique sans Dieu, comme si l’idée de Dieu n’était pas à la fois le fondement nécessaire et le couronnement de tout ordre et de toute vérité.
D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Est-ce possible que tout ait été créé sans Créateur. Est-ce possible que tout ait été créé sans finalité ?
Combien d’hommes sérieux, combien de chrétiens même se laissent pénétrer à leur insu par cet athéisme voilé qui se décore du beau nom de « neutralité » ?
La neutralité se confond avec le laïcisme que le Souverain Pontife Pie XI appellait « la peste de notre époque ».
Beaucoup pensent de bonne foi que la religion est affaire privée. A leur avis, tout est pour le mieux dès lors que les citoyens sont libres de pratiquer leur culte en particulier. Ils considèrent l’ordre temporel et l’ordre spirituel comme deux mondes juxtaposés, ayant chacun son indépendance et le droit de « vivre sa vie ».
L’absence totale de réaction de l’Eglise en Belgique au sujet des restrictions sur le culte public durant cette crise sanitaire a mis encore plus au grand jour ce malaise qui existe même chez les autorités religieuses.
Qui enseigne encore, qui prêche qui croit encore que Jésus-Christ est Roi ? Jésus-Christ est Roi parce qu’Il est Dieu. La royauté lui a été infusée dès le premier instant de sa conception, elle est intimement liée à toutes les gouttes de son sang, à toutes les fibres de sa chair.
Avant même sa naissance, l’archange Gabriel parlait de lui à la Vierge comme d’un fils destiné « à régner ». Les Mages venaient à ce titre lui offrir leur tribut : ils apportaient à ses pieds l’encens parce qu’Il était Dieu, la myrrhe parce qu’Il était homme et l’or parce qu’Il était Roi.
Comprenons bien cela chers fidèles. En cette époque rongée par l’athéisme. Jésus-Christ n’est pas Roi car Il contrôlerait la presse, l’industrie pharmaceutique ou la bombe nucléaire, Il est Roi, notre Roi, parce qu’Il est Dieu.
Même si on le sait, même si on y croit, parfois, dans notre vie, nous l’oublions. Que cette procession nous le rappelle.
Ecoutez ce que disait la jeune Sainte Cécile au magistrat romain qui l’interrogeait, au troisième siècle : « Malheureuse, lui disait le magistrat, ne sais-tu pas que j’ai droit de vie et de mort ?
Tu en as menti, répliqua la future martyre, avec cette magnifique insolence des vierges chrétiennes qui tenaient en échec toute la force de Rome. Il est vrai que tu peux faire donner la mort à ceux qui sont vivants, mais tu ne saurais donner la vie à ceux qui sont morts ».
Quelle leçon !
Jésus-Christ, Roi du monde, Roi de la vie. Publique.
Si l’ordre social contemporain est gravement compromis par l’athéisme, la maladie dont souffre le monde de la pensée est le scepticisme. Il s’insinue partout. Sur toutes les vérités, tous les principes.
Certains n’admettent que ce qu’ils voient de leurs yeux, touchent de leurs mains. Mais de cela même d’autres doutent. Pour eux, il faut faire table rase de ce que nous connaissons par nos sens.
D’où vient ce scepticisme ? C’est le rejet d’une raison supérieure à la raison humaine. Esprit qui travaille le monde depuis la Réforme protestante et qui a été exacerbé par la Révolution. La Révolution française durant laquelle on a vu ce culte rendu dans la cathédrale Notre-Dame à la déesse Raison. Plus de Dieu. L’homme prend sa place.
La raison humaine grâce aux découvertes de la science, de la psychologie, de l’histoire a permis d’arracher à la nature quelques secrets, la raison humaine de notre époque comprend mieux certaines choses. C’est vrai. Et l’Eglise a toujours été à la pointe de la technologie.
Mais la raison humaine s’est déifiée. La raison humaine se refuse à admettre qu’il puisse exister des réalités plus hautes qu’elle, et hors de sa portée. Elle ne reconnait de vérité d’être qu’à ce qu’elle est en mesure d’expliquer. Tout ce qu’elle ne comprend pas « n’est pas ». « N’existe pas ». Ce sont des histoires, du fanatisme ou de la crédulité.
L’orgueil de la raison est la racine de la maladie qui ronge le monde de la pensée. Même dans les sciences sacrées. Ainsi, on remettra en cause certaines paroles de la Sainte Ecriture, certains dogmes. Orgueil de la raison.
Ne soyons point ainsi chers fidèles. Je pense que nous voulons tous comprendre mieux ce qui nous entoure, atteindre le sommet de l’intelligence. Mais alors, pour atteindre le sommet, comme en montagne, il nous faut un guide. Et le guide de notre raison est la foi. Parfois le guide nous fait ralentir ou prendre un autre chemin. Ce n’est pas qu’il ne veuille pas que l’on atteigne le sommet mais le guide veut nous garder des crevasses et des dangers.
Seigneur Jésus, soyez le Roi de mon intelligence. Gardez moi humble devant les mystères de la foi.
Mais l’homme ne vit pas seulement en société. Et l’homme n’est pas seulement un roseau pensant, une créature capable de réfléchir et de comprendre, c’est aussi un être capable d’aimer.
Sa plus haute dignité est d’avoir une intelligence. Sa plus grande noblesse d’avoir un cœur.
Mais vous le savez, bien chers fidèles, notre cœur est tellement changeant. Regardez Saint Pierre. « Seigneur, avec vous je suis prêt à aller en prison et à la mort ». Et on sait que c’est vrai, Saint Pierre avait cet amour pour Jésus. Mais, quelques heures plus tard, ce ne furent ni les Juifs ni les soldats qui lui firent perdre pied. Ce fut une petite question indiscrète, un simple bavardage de femme dans lequel il y avait bien plus de curiosité que de mauvaises intentions. « Je le jure, je connais point cet homme ». Saint Pierre.
Notre cœur est changeant et même, souvent, il est dur, égoïste. Mais pas le cœur de Jésus-Christ. Le Cœur de Jésus est bon, aimable, miséricordieux, il pardonne, il soigne, il écoute.
Et il désire regagner nos cœurs. Mais comment ? Il n’a rien écrit.
Le Roi des cœurs n’a rien écrit, c’est vrai, mais Il a enseigné. Il a enseigné la règle suprême de charité. L’exemple de Saint Jean Apôtre devenu vieux est édifiant. Ne pouvant plus ni prêcher, ni marcher, l’apôtre qui avait reposé sa tête sur la poitrine de Jésus, se faisait encore porter à l’église et se bornait à répéter en matière d’enseignement : « Mes petits enfants aimez-vous les uns les autres ». Et comme ses disciples s’attristaient de lui entendre toujours répéter la même chose, il leur fit, dit Saint Jérôme, cette réponse vraiment digne de Jean : « Parce que c’est le commandement du Seigneur et qu’à lui seul il suffit ».
Roi des cœurs.
Que cette procession ne soit pas seulement l’occasion d’un beau moment de prière. D’une belle célébration. D’une sortie un peu folklorique. Non, que cette procession soit le moyen de nous rappeler, pour notre vie de tous les jours, que Jésus-Christ est notre Roi.
Il est le Roi de nos familles, de notre prieuré. Il est Roi parce qu’Il est Dieu.
Jésus-Christ est Roi de nos intelligences. Loin de nous le mensonge et l’orgueil de la raison.
Et enfin, Jésus-Christ, avec sa douceur et son humilité, est le Roi de nos cœurs. Aimons Jésus-Christ et faisons-Le aimer autour de nous.
Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. C’était écrit en latin, langue de la puissance car Rome dominait le monde. En grec, langue de la philosophie et de la pensée. Et en Hébreu, langue de la religion.
Le Christ est Roi. Notre Roi.