L’Eglise annoncée dans les psaumes (1)
La Jérusalem céleste
La Pentecôte est la fête du rayonnement de l’Eglise naissante. En effet, si l’Eglise est née le Vendredi saint du côté percé de Notre-Seigneur d’où ont jailli du sang et de l’eau - le sang symbolisant l’Eucharistie et l’eau le baptême -, elle a trouvé son premier développement à la Pentecôte. Aussi, cette fête nous conduit-elle à contempler l’Eglise et à l’aimer.
L’Eglise est un thème qui revient très fréquemment chez les Pères lorsqu’ils commentent les psaumes. Pour eux, il ne fait aucun doute que la prière des psaumes associe Jésus-Christ et l’Eglise.
Des figures de l’Église
Jérusalem
Lors des processions du Saint-Sacrement, nous aimons chanter le beau cantique : « Lauda Jerusalem Dominum, lauda Deum tuum Sion… Jérusalem, loue le Seigneur ; loue ton Dieu, Sion » (Ps 147, 1). Il s’agit du psaume 147. Pour saint Paul, la Jérusalem dont il est fait mention ici est l’Église puisqu’il dit : « La Jérusalem qui est là-haut possède la vraie liberté, elle est notre Mère » (Ga 4, 26).
Le Psalmiste continue : « Loue ton Dieu, car il a consolidé les serrures de tes portes, il a béni tes enfants en toi » (Ps 147, 2). Saint Jean Chrysostome commente : « Le Seigneur a fortifié l’Église bien mieux qu’il n’avait fortifié Jérusalem ; et ce n’est pas avec des portes et des verrous, c’est avec sa croix elle-même, et par la manifestation de sa propre puissance. Voilà le rempart qu’il élève autour de la cité sainte » (Œuvres complètes, Vivès, 1868, V, p. 352).
Sion
La ville de Jérusalem a pour autre dénomination Sion. Comme le dit saint Jean Chrysostome, « l’Église est la véritable Sion » (Ibidem, p. 352). Voilà pourquoi, saint Paul écrit dans son épître aux Hébreux : « Vous ne vous êtes pas approchés de la montagne visible que couvrent des tourbillons de feu et de fumée, qu’enveloppent le tonnerre et les éclairs ; mais vous êtes venus à la cité de Sion, à l’Église des premiers-nés, dont les noms sont inscrits dans les cieux » (He 12, 18 et ss).
C’est donc bien l’Église que le Prophète a en vue lorsqu’il annonce : « Vous vous lèverez, [Seigneur], et vous aurez pitié de Sion, parce que le temps est venu, le temps d’avoir pitié d’elle » (Ps 101, 14). Dieu aura pitié de Sion. Cette ville était bâtie sur la terre ferme et composée de maisons en pierres, figures des âmes baptisées, pierres vivantes, d’où la description du Psalmiste : « Puisque vos serviteurs ont tant de zèle pour ses pierres, et ont compassion de sa terre » (Ps 101, 15). Saint Robert Bellarmin commente : « Le Prophète voit en esprit de prophétie les Apôtres qui, après avoir abandonné les soins du siècle et autres choses indignes d’eux, se sont donnés tout entier à fonder l’Église, car les pierres vivantes que Dieu a choisies pour en bâtir son Église, il a plu à ses serviteurs de les rassembler et de les poser sur le fondement déjà existant de la nouvelle Jérusalem » (Explication des Psaumes, Vivès, 1856, III, p. 57).
La terre
Le psaume 23 débute par ces mots : « Au Seigneur appartient la terre et sa plénitude ; le globe du monde et tous ceux qui l’habitent ; parce que c’est lui-même qui l’a fondée au-dessus des mers, et qui l’a disposée au-dessus des fleuves » (Ps 23, 1-2). Le sens littéral est clair : Dieu étant le maître de l’univers, tout ce qu’il renferme lui appartient. Au-delà de cette interprétation, les Pères de l’Église nous en font découvrir une autre qui est très belle. La terre est une image de l’Église. Sa plénitude représente la plénitude des grâces qui s’étend sur toutes les âmes baptisées. La terre qu’est l’Église a été fondée sur les eaux, c’est-à-dire sur le sang de Jésus-Christ, sur les eaux du baptême, sur les fleuves des sacrements et de toutes les grâces dispensées aux âmes. L’Église est encore fondée au-dessus des mers, c’est-à-dire au-dessus des tribulations, et au-dessus des fleuves c’est-à-dire des persécutions auxquelles elle est préparée en vue de la couronne des martyrs.
La vigne
Le psaume 79 présente l’Église sous la forme d’une vigne plantée par le Seigneur. « Vous avez planté les racines de votre vigne [Seigneur], et elle a rempli la terre. Son ombre a couvert les montagnes, et ses rameaux les cèdres de Dieu. Elle a étendu ses branches jusqu’à la mer, et ses rejetons jusqu’au fleuve » (Ps 79, 10-12). Dans les psaumes historiques, ce qui a trait au peuple hébreu peut s’appliquer également à l’Église. Ainsi, la description faite ici par le Psalmiste qui concerne initialement le peuple hébreu s’applique également à l’Église. Notre-Seigneur a planté la vigne de son Église. Celle-ci s’est répandue sur toute la terre si bien que le souvenir merveilleux de l’extension miraculeuse du christianisme, durant les premiers siècles et celui des périodes où il a été prospère, manifeste la toute-puissance de Dieu.
L’épouse et la reine
Le psaume 44 célèbre les noces d’un roi remarquable avec une princesse. Pour saint Jean Chrysostome, il est clair que le roi est Notre-Seigneur et la reine la sainte Église. « David, écrit-il, fait une description prophétique et figurée de l’Église qu’il nous présente comme une épouse et comme une reine » (Œuvres complètes, Vivès, 1868, V, p. 107).
Le Psalmiste s’adressant à Notre-Seigneur dit : « La reine se tient à votre droite, en vêtements tissés d’or, couverte de broderies » (Ps 44, 10). Saint Jean Chrysostome explique que les vêtements dont il est question ne sont pas à prendre au sens matériel : « C’est le roi lui-même, dit-il, qui a composé le tissu de ce vêtement et qui en a revêtu l’épouse par le baptême. “Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, dit saint Paul, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ” [Ga 3, 27]. (…) C’est avec raison que le prophète décrit l’admirable variété de son vêtement. Ce vêtement en effet n’est pas d’une seule espèce. Car la grâce ne suffit pas pour le salut, il faut y joindre la foi, et après la foi, les œuvres ».
Les caractéristiques de l’Eglise
Les figures de l’Église nous ont fait entrevoir sa splendeur. Il reste à découvrir les signes qui vont permettre de distinguer la véritable Église des sectes et pseudo-Églises qui ont pullulé tout au long des siècles. Dans le Credo, nous professons que nous croyons en l’Église « une, sainte, catholique et apostolique ». Voilà les quatre notes qui permettent de discerner la véritable Église fondée par Jésus-Christ.
Une
Cassiodore en commentant le psaume 4 affirme : « L’Eglise est la réunion de tous les fidèles saints, l’unité des âmes et des cœurs, l’épouse du Christ, la Jérusalem du siècle futur. C’est d’elle que le Christ dit : “Unique est ma colombe, unique mon Épouse” [Ct 6, 9] » (Les psaumes commentés par les Pères, Desclée de Brouwer, 1983, p. 76).
L’unicité de l’Église est exprimée à nouveau au psaume 21 par l’expression « mon unique ». Le Christ implore son Père en ces termes : « Délivrez, ô Dieu, mon âme du glaive, et mon unique du pouvoir du chien » (Ps 21, 21). Le pape Boniface VIII voit la sainte Église catholique à travers l’appellation « mon unique ». Notre-Seigneur demande donc la délivrance pour son âme, mais aussi pour son Église, ce qui suppose qu’elle sera en butte aux attaques du diable et de ses suppôts.
La délivrance que Notre-Seigneur demande à son Père est décrite à la fin du psaume. Les derniers versets sont donc une lumière d’espérance et une grande consolation pour nous qui sommes plongés aujourd’hui au cœur d’une crise sans précédent dans l’Église. Les lamentations du crucifié, changées en un chant de gloire, laissent entendre qu’il en sera de même pour son Église.
Par ailleurs, le fait que Notre-Seigneur utilise l’expression « mon unique » pour parler de son Église montre qu’il n’en a pas fondé plusieurs. Il a dit à Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18). Saint Paul précise : « Il n’est qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 5). C’est ainsi que saint Luc constate que « dans la société des fidèles, il n’y avait qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4, 32). Et c’est Dieu qui est à l’origine de cette union comme le laisse entendre le Psalmiste lorsqu’il écrit : « C’est Dieu qui fait habiter dans une même maison ceux qui ont un même esprit » (Ps 67, 7).
L’unité de l’Église est encore indiquée par la tunique sans couture du Christ qui a été tirée au sort au moment de la Passion selon ce qui est écrit dans le même psaume 21 : « Ils ont jeté le sort sur ma tunique, [s’écrie Notre-Seigneur] » (Ps 21, 19). C’est l’interprétation de Maxime de Turin : « Quant à la tunique sans couture, nous pouvons y reconnaître la sagesse céleste, puisque son tissu allait depuis le haut jusqu’en bas. […] Voilà de quelle tunique, de quels vêtements l’Église catholique est toujours revêtue » (Les psaumes commentés par les Pères, Desclée de Brouwer, 1983, p. 115). L’Église par son unité répond au vœu exprimé par Notre-Seigneur dans la prière adressée à son Père : « Qu’ils soient un comme nous » (Jn 17, 11).
Mgr Lefebvre tirait les conséquences ultimes de l’unité de l’Église : « Si nous croyons que notre religion catholique est l’unique religion, alors nous devons en tirer les conséquences, et les conséquences sont simples, très simples : tous les hommes doivent adhérer à cette sainte religion s’ils veulent être sauvés. (…) Voilà pourquoi nous devons être missionnaires » (Homélie, Toulouse, 19 juin 1977).
Sainte
L’Église catholique est non seulement une, mais elle est sainte, parce qu’elle est source de sainteté. Dieu nous a créés pour que nous devenions des saints. Saint Paul l’affirme clairement : « Dieu nous a élus en lui, dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et sans tache à ses yeux » (Ep 1, 4-5).
Est saint celui qui exécute parfaitement ce que Dieu attend de lui. Notre-Seigneur lui-même a dit en venant en ce monde : « Voici que je viens, ô Père, pour accomplir votre volonté » (Ps 39, 8-9). Toute sa vie, il a accompli la volonté de son Père et les saints à leur tour accomplissent la volonté de Dieu selon ce que David écrit dans un autre psaume : « Quant aux saints qui sont sur la terre, il [le Seigneur] a magnifié toutes mes volontés en eux » (Ps 15, 3). Les volontés de Notre-Seigneur, ses désirs, ont été mis en exécution « dans les saints qui sont sur la terre, c’est-à-dire dans l’Église militante et triomphante ». Voilà comment saint Thomas d’Aquin interprète ce verset du Psalmiste (Commentaire sur les psaumes, Cerf, 1996, p. 169).
Accomplir la volonté de Dieu, c’est essentiellement aimer Dieu, car Dieu nous a créés pour l’aimer. Voilà pourquoi le roi-prophète donne cette exhortation : « Aimez le Seigneur, vous ses saints » (Ps 30, 24).
Ailleurs, le Psalmiste dit encore : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau. Que la louange du Seigneur retentisse dans l’assemblée des saints » (Ps 149, 1). Saint Jean Chrysostome affirme que le cantique nouveau est celui du Nouveau Testament, puis tire de ce verset l’obligation de louer Dieu non seulement par ses paroles, mais par la vertu de ses bonnes œuvres afin de former une assemblée de saints. Et il conclut : « Nous voyons dans cette parole qu’il faut louer Dieu avec un accord parfait ; car l’Église est une réunion où règne la plus complète harmonie » (Œuvres complètes, Vivès, 1868, V, p. 360).
En cette belle fête de la Pentecôte, nous pouvons faire nôtre cette prière de Bourdaloue : « Envoyez-nous donc votre Esprit dans toute sa plénitude ; et par là, Seigneur, créez en nous des cœurs purs, des cœurs chastes, des cœurs soumis à votre loi : “Créez en moi un cœur pur, ô Dieu” [Ps 50, 12] ; envoyez-nous cet Esprit sanctificateur ; et par là, renouvelant nos cœurs, “vous renouvellerez toute la face de la terre” [Ps 103, 30]. Quelle force, mon Dieu, et quel zèle pour votre gloire ne nous inspirera-t-il pas ? » (Œuvres complètes, L. Guérin, 1864, III, p. 126).
Catholique
Une Église répandue dans le monde
Le mot catholique veut dire universel et signifie que la religion fondée par Jésus-Christ était appelée à s’étendre dans le monde entier. Le rayonnement universel de l’Église est annoncé par le Psalmiste lorsqu’il dit en s’adressant au Seigneur : « Les nations craindront votre nom, Seigneur, et tous les rois de la terre révéreront votre gloire, car le Seigneur a bâti Sion » (Ps 101, 16-17). Saint Robert analyse ainsi ce texte : « Les nations et les rois respectent le nom de Dieu, parce que le Seigneur a fondé Sion, malgré la résistance de presque tous les peuples et de presque tous les souverains, Sion qui est cette Église “contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront pas” (Mt 16, 18) » (Explication des Psaumes, Vivès, 1856, III, p. 58-59). Ce psaume montre que les gouvernants ont le devoir de rendre un culte au vrai Dieu et d’honorer son Épouse, la sainte Église.
Le Psalmiste prophétise de nouveau l’Église en mettant sur les lèvres de Notre-Seigneur ces paroles : « J’annoncerai, [ô Père], votre nom à mes frères. Je vous louerai au milieu de l’assemblée. […] Près de vous, ma louange dans une grande assemblée » (Ps 21, 23 et 26). Saint Thomas d’Aquin commente : « La grande assemblée est l’Église catholique qui est grande par son pouvoir et sa fermeté, et elle est grande par sa diffusion. “Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, grand est votre nom parmi les nations [Ml 1, 11]” ».
Le Psalmiste annonce précisément l’extension du christianisme dans le monde entier : « Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se convertiront au Seigneur ; toutes les familles des nations se prosterneront devant sa face » (Ps 21, 28). Le psaume 2 n’avait-il pas déjà exprimé l’efficacité de la prière du Christ en mettant sur les lèvres de Dieu le Père ces paroles : « Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage » (Ps 2, 8) ? Si Notre-Seigneur doit avoir les nations pour héritage, cela signifie qu’il régnera sur elles. C’est donc le règne social de Notre-Seigneur qui est annoncé ici et qui formera pendant des siècles la civilisation chrétienne, la cité catholique, la chrétienté.
Le « peuple de Dieu »
La louange de Dieu par les membres de l’Église dont faisait mention le Psalmiste au psaume 21 est de nouveau annoncée à la fin du Psautier : « La louange du Seigneur est au-dessus du ciel et de la terre, et il a élevé la force de son peuple. Qu’il soit loué par tous ses saints, par les enfants d’Israël, le peuple qui s’approche de lui » (Ps 148, 14). Le Psalmiste évoque la glorification de Dieu par son peuple. De quel peuple s’agit-il ? Dans un sens premier, il s’agit du peuple hébreu, et dans un deuxième de l’Église catholique. Dieu a voulu par pure bonté se donner un peuple qui fût spécialement le sien et dont la gloire se répandrait dans l’univers entier. Nous sommes appelés le peuple de Dieu, parce qu’il est notre Roi. Saint Pierre déclarera : « Vous êtes une race choisie, un collège sacerdotal royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa lumière admirable, vous qui jadis n’étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le peuple de Dieu » (1 Pi 2, 9-10).
Le pasteur et ses brebis
Tandis que Moïse guide le peuple hébreu à travers le désert tel un pasteur, son peuple le suit tel un troupeau de brebis. En empruntant l’image du bon pasteur et des brebis, le but du Psalmiste inspiré est d’établir les justes dans un sentiment de douce confiance à l’égard du Seigneur. « Nous sommes son peuple, déclare-t-il, et les brebis de son pâturage » (Ps 99, 3). Nous sommes appelés les brebis de Dieu parce qu’il est notre Pasteur. Saint Augustin développe ainsi l’image de la brebis. « Nous sommes ses brebis et chacun de nous est une brebis, et ses brebis ne font qu’une brebis. Et quelle n’est pas pour nous l’infinie tendresse de notre Pasteur ? Il a quitté quatre-vingt-dix-neuf de ses brebis, et il est descendu en chercher une seule qui était perdue ; il la reporte sur ses épaules (Lc 15, 4-5) rachetée de son sang. Le Pasteur est mort pour sa brebis, il est ressuscité et il possède sa brebis ». Ainsi, Notre-Seigneur est mort pour nous permettre d’entrer dans le bercail qu’est la sainte Église et de le rejoindre un jour au Ciel.
L’âme de l’Église
Le psaume 86 chante les gloires passées et futures de Jérusalem, prophétisant à la ville sainte, tant aimée et favorisée de Dieu, que tous les peuples du monde auront un jour droit de cité chez elle, c’est-à-dire qu’ils se convertiront au vrai Dieu. Il renferme ce passage obscur qui fait mention de divers peuples se rattachant en quelque manière à la ville de Sion, de Jérusalem, appelée dans ce même psaume la cité de Dieu. « Je me souviendrai de Rahab et de Babylone, qui me connaissent. Voici que les étrangers, et Tyr, et le peuple d’Éthiopie sont là, eux aussi. Ne dira-t-on pas à Sion : un grand nombre d’hommes sont nés en elle et le Très Haut lui-même l’a fondée ? » (Ps 86, 4-5).
Au sens littéral, ces versets signifient que la protection de Dieu ne se limite pas aux enfants d’Israël qui ont le bonheur d’habiter Jérusalem, mais s’étend aux Juifs de la dispersion, de la diaspora. Au sens spirituel, ces versets peuvent aussi s’appliquer à l’Église. L’Église, comme l’ancienne Sion, a aussi ses fils de la diaspora. Ce sont les enfants de Dieu qui ne sont pas membres du corps de l’Église, mais qui en forment l’âme. Ce sont ceux qui, sans faute de leur part, suivent une Église séparée et qui sont uniquement hérétiques ou schismatiques matériels.
Apostolique
L’introït de la messe de la Pentecôte donne le ton de la fête. Il renferme cette parole mystérieuse : « Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés » (Ps 67, 2). Pour comprendre le vœu du Psalmiste, il faut se souvenir que ce verset était chanté au moment du départ de l’arche d’alliance, lors de la marche du peuple hébreu vers la Terre promise.
Elle était comme un coup de clairon annonçant les victoires de Dieu sur les ennemis du peuple hébreu. Au-delà du sens premier, c’est une parole prophétique, car les victoires du peuple hébreu symbolisaient celles de l’Église. Aussi cette parole annonce-t-elle la victoire définitive de Dieu sur Satan, victoire obtenue par l’effusion du Saint-Esprit. En effet, tant que le Saint-Esprit n’était pas descendu sur la terre, les Apôtres étaient enfermés au Cénacle. Ils étaient peureux, timides, craintifs. Dès qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint, plus rien ne les arrête. Ils partent aux quatre coins du monde répandre l’Évangile au péril de leur vie.
On a dit des Apôtres : « Par la parole du Seigneur, les cieux ont été affermis, et toute la puissance et toute leur puissance vient de l’esprit de sa bouche » (cf. Ps 32, 6). Saint Grégoire le Grand commente : « Que désigne le nom cieux sinon les saints Apôtres ? Ils imbibent la terre de notre cœur par la pluie de leurs paroles ; ils font entendre le tonnerre des menaces terrifiantes du jugement qui vient ; ils lancent les éclairs des miracles et des actions saintes. La puissance, c’est assurément l’Esprit qui la leur accorda lorsque, apparaissant sous forme de langues de feu [cf. Ac 2], il alluma dans leurs cœurs les flammes de l’amour divin. […] Ceux qui, aux approches de la Passion, avaient fui et abandonné leur Maître [cf. Mt 26], fortifiés bientôt après par le surcroît de la grâce du Saint-Esprit, annonçaient le nom du Christ publiquement et avec fermeté » (Les psaumes commentés par les Pères, Desclée de Brouwer, 1983, p. 202).
« Les fleuves ont élevé, Seigneur, les fleuves ont élevé leurs voix. Les fleuves ont élevé leurs flots, plus retentissants que la voix des grandes eaux. Les soulèvements de la mer sont admirables ; le Seigneur est admirable dans les hauteurs » (Ps 92, 3-4). Saint Augustin donne le sens spirituel de ces versets : « Les hommes apostoliques, dès qu’ils ont reçu la plénitude des dons de l’Esprit, sont devenus des fleuves d’où a jailli l’eau de la parole, et c’est à eux que s’applique ce passage du Psalmiste : “Les fleuves, Seigneur, ont élevé la voix” ». La voix des Apôtres répandant l’Évangile dans l’univers entier est encore sous-entendue dans un autre psaume : « Yahvé envoie sa parole sur la terre, et sa parole court avec rapidité » (Ps 147, 3). Saint Jean Chrysostome interroge ses auditeurs : « Quelle est la parole dont il est ici question, je vous le demande ? » Et il répond : « Celle dont les Apôtres furent les ministres et qui parcouraient l’univers comme portés par des ailes rapides » (Œuvres complètes, Vivès, 1868, V, p. 353). C’est ainsi que David annonce dans un autre psaume : « Le Seigneur donnera la parole aux infatigables messagers de la bonne nouvelle » (Ps 67, 12).
Notre attachement à l’Église
En voyant les caractéristiques de l’Église, nous n’avons qu’un désir : en faire partie et y demeurer jusqu’à la mort. Aussi, pouvons-nous mettre sur nos lèvres la prière ardente de Bourdaloue commentant ce verset du Psalmiste : « Seigneur, je vous célébrerai dans la grande assemblée » (Ps 34, 18) - c’est-à-dire dans l’Église catholique. « Je veux donc, Seigneur, confesser votre saint nom ; mais je le veux confesser dans votre Église. Je veux publier vos grandeurs et célébrer vos louanges, mais je les veux célébrer dans votre Église. Je veux annoncer vos paroles et vos divines vérités, mais je les veux annoncer dans votre Église. Toute autre assemblée, (le dirai-je après un de vos Apôtres), toute autre assemblée n’est qu’une synagogue de Satan, et toute autre chaire qu’une chaire de pestilence. Heureux si, par une vie conforme aux divins enseignements et aux règles de cette Église où nous avons eu l’avantage d’être élevés et adoptés parmi vos enfants, nous méritons d’être couronnés dans le séjour de votre gloire, et de participer au bonheur de vos élus ! » (Œuvres complètes, L. Guérin, 1864, IV, p. 458).
Abbé Patrick Troadec
A suivre
(Source : FSSPX – FSSPX.Actualités du 29/05/20)
Illustration : Flickr / Fr Lawrence Lew, O.P. (CC BY-NC-ND 2.0 Deed)
Intérieur du Dôme de Florence